Série: La guerre des Sambre #1
Auteurs: Yslaire / Bastide
Editeur: Futuropolis/Glénat
Une chronique BD : Génération BD
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ATTENTION, CE QUI SUIT DEVOILE TOUT OU PARTIE DE L’ALBUM
Retour au XIXème siècle, en quelques mots nous voici replongé dans le romantisme, les troubles politiques, l’essor de deux nouvelles classes sociales et l’affrontement de deux mondes. Et la sombre histoire des Sambre. L’album remonte le temps, il s’ouvre en 1830 sur le mariage d’un personnage essentiel dans cette saga familiale, Hugo Sambre, futur auteur de « la Guerre des Yeux. » Le mariage n’est pas un mariage heureux. Hugo, jeune aristocrate couvert de dette mais au nom prestigieux épouse Blanche, fille de bourgeois en quête d’honorabilité et dotée de belle manière. Pas d’amour dans ce mariage, tout au plus une bonne affaire réciproque, l’un rembourse les dettes familiales, l’autre acquiert un nom et un statut enviable. Derrière cet arrangement bien sur, les mensonges, les non-dits et les sentiments, toutes ces choses qui viendront enrichir l’histoire des Sambre qui, on s’en doute, n’est pas simple.
Marié, Hugo va évoluer, découvrir le monde hors des murs de sa demeure, défier l’autorité paternelle et rentrer pas à pas dans ce qui occupera toute son existence : la Guerre des Yeux.
Bien sur, on peut décortiquer signe par signe cet album : s’arrêter sur la narration, tiquer quant au dessin confié à de jeunes dessinateurs, mettre en évidence une simplicité de raisonnement dans le chef d’Hugo ou encore pousser des hauts cris quant à la prévisibilité de certains événements, sans oublier de pester contre sa prépublication dans le Soir. Ah oui, on peut, ça c’est sur…
Par contre, on peut aussi prendre l’album dans son ensemble, comme un objet indécoupable mais coupeur de souffle. Ce fut mon cas.
Devenue une saga sur plusieurs générations l’histoire des Sambre peut évoquer, la période s’y prête bien, les grandes sagas estivales dont les télé sont friandes. Seulement, si on retrouve ici aussi des amours impossibles de père en fils, je crois que la comparaison s’arrête là.
L’ensemble graphique, car il serait trop réducteur de parler de dessin, est remarquable, les tons sombres, les choix de plans (les yeux !!!) et le trait assuré et peut-être un chouia plus réaliste que celui du maître originel, forment un ensemble vraiment superbe. Les deux jeunes dessinateurs qui reprennent la tâche qu’Yslaire a abandonné faute de temps, atteignent d’entrée de réels sommets graphiques. Tout en conservant la « charte » initiale, ils ajoutent une certaine sûreté au trait à défaut de la charmante naïveté d’Yslaire (à ce propos, faire particulièrement attention aux portraits de femme dont l’album regorge.)
De longs extraits de texte viennent jouer le rôle de « voix off » dans le récit. Personnellement, cela m’a un peu rebuté, car cela me faisait ressortir de l’histoire, m’obligeant à lire avec un œil extérieur aux cases, me faisant prendre conscience de mon état de lecteur. Cependant, comme je l’écrivais en début de chronique, il faut considérer l’album dans son entièreté, et l’effet obtenu par ce processus lors de la découverte des yeux rouges d’Iris est tellement réussi qu’il justifie à lui seul en une planche les quelques critiques que j’aurais pu émettre sur ce procédé narratif. Certes la formule peut paraître simple, la planche est découpée avec en alternance textes et dessins qui viennent former l’espace d’une page (p.55) un ensemble totalement parfait.
Nous sommes dans ce qu’il est convenu d’appeler un prequel, qui s’adresse avant tout aux lecteurs de la saga initiale mais qui ne peut pas laisser sur le bord de la route le lecteur aux yeux vierges, chacun pourra donc je pense entrer dans l’histoire, quel que soit sa connaissance des Sambre (à priori seuls les très jeunes lecteurs n’ont pas lu le premier cycle des Sambre selon moi, mais il m’arrive de me tromper lourdement… ) L’histoire que nous conte Yslaire, bien qu’on en connaisse globalement la fin est malgré tout passionnante, de nouvelles questions apparaissent, nous découvrirons sans doute leurs réponses dans les prochains tomes. Le lecteur peut se raccrocher à différents fils, rouge bien sur, pour suivre la saga. On retrouve des personnages dont on croit connaître l’histoire mais qui s’avère encore plus inquiétant que par le passé (mention spéciale au vicaire.) Le mélange entre l’histoire de la famille, les petites histoires de chaque personnage et bien sur La Grande Histoire est réussi, les ingrédients se dissolvent tout en gardant leur saveur pour former un tout supérieur à la somme des parties.
Vous l’aurez compris, je suis particulièrement séduit par cet album, il n’est donc sans doute pas nécessaire de continuer plus avant cette chronique qui risquerait de se complaire en compliments forts peu critiques. Sachez encore que la Saga des Sambre devrait normalement se poursuivre sur une petite vingtaine de volumes. Si d’aventures, tous devaient être de la même qualité, les amateurs de bonne bande dessinées peuvent espérer en des jours meilleurs ô combien proches.
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