VIOLETTE NOZIERE : Camille Benyamina & Eddy Simon en parlent

Octobre 1934. Assise sur un banc, noyée dans un immense couloir du Palais de justice de Paris, Violette Nozière, 19 ans, toute de noir vêtue, a les yeux perdus dans le vide. Elle attend que son procès reprenne et songe à ce qui l’a conduit ici. Celle que l’on surnomme alors « l’empoisonneuse de la rue de Madagascar » ou la « parricide monstrueuse » laisse ses pensées remonter le temps…
Issue d’un milieu populaire, Violette rêvait d’une autre existence. Mais, rétive au travail comme aux études, elle préférera la vie facile. Prostitution, fêtes, mais aussi mensonges à répétition, manipulation et vol de ses propres parents, jusqu’au point de non-retour : elle finit par les empoisonner. (texte Casterman)

 

Surfant sur la vague/mode des BD à propos de femmes célèbres, que ce soit des militantes, des criminelles ou des aventurières (dans le sens noble du terme), des artistes, Violette Nozière propose une vision de celle qui défraya la chronique dans les années 30, fait divers scandaleux, procès retentissant… La nouvelle venue dans le métier, Camille Benyamina et le journaliste Eddy Simon reviennent sur le parcours de cette fille volage en traçant un portrait entre mystère et poésie, entre envoutement et ensorcellement, sans la juger… Le récit est prolongé par un dossier de 8 pages illustré de photos d’archives.

 
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LE MURET : CELINE FRAIPONT ET PIERRE BAILLY

À treize ans, Rosie vit une situation peu commune : ses deux parents durablement éloignés à l’étranger et ne s’occupant d’elle qu’épisodiquement, elle doit se débrouiller au quotidien presque entièrement seule. Son seul point d’ancrage est son amie d’enfance Nath, avec qui elle entretient une relation presque fusionnelle. Mais les amitiés sont aléatoires et fluctuantes à cet âge. Progressivement mise à distance par Nath, Rosie, de plus en plus isolée, se réfugie dans l’alcool et l’absentéisme scolaire. C’est dans ces circonstances, à la dérive, que l’adolescente fait la connaissance de Jo, un garçon à peine plus âgé qu’elle, qui comme elle habite seul, vivant d’expédients et de petits trafics. Jo, sensible à son côté rebelle, initie Rosie à la musique, à la débrouille et à l’esprit d’indépendance. Éclopés d’une existence qui commence à peine, les deux jeunes gens vont peu à peu laisser s’épanouir l’attirance qu’ils ressentent l’un pour l’autre. Une belle histoire d'amour qui se terminera sous une pluie glaciale et bouleversante... (texte-Casterman)

La maîtrise de ce récit bouleversant est impressionnante venant de deux jeunes auteurs nouveaux venus. Le Muret est une œuvre rendue forte par la narration fusionnelle créé par le couple, le portrait d’une ado traité sur le fil du rasoir avec une justesse et une sobriété qui fait que ce livre mérite entièrement sa place parmi les maîtres de cette collection Ecritures, le chaînon manquant entre BD et roman créé par Casterman.
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LEONIE BISCHOFF ET OLIVIER BOCQUET

Léonie Bischoff et Olivier Bocquet, voici deux noms à retenir pour le futur, les premiers soldats de la quatrième génération de la BD. Ils viennent de deux univers différents, n’étaient pas fait pour se rencontrer mais Casterman a joué à la marieuse et leur a proposé un pari risqué ; faire des bande dessinées à partir des polars de la suédoise Camilla Läckberg.
Léonie Bischoff, qui venait de terminer de tremper sa plume dans les eaux troubles des bayous avec le venimeux Hoodoo Darlin et Olivier Bocquet embarqué dans l’adaptation en BD de l’univers du criminel Fantômas, d’après les textes originaux qui ont souffert des grimaces de Fufu et du masque en latex de Jean Marais, ont accepté le défi et se sont retrouvés une semaine en Suède, sorte de blind date puisqu’ils ne se connaissaient pas, histoire de humer l’ambiance et de s’imprégner de l’atmosphère des histoires de Läckman.
Le résultat est tout à fait étonnant, ces deux-là ont réussi à faire un polar palpitant d’une œuvre très statique et abondement verbeuse. Le polar suédois est devenu un effet de mode depuis Millénium et ses multiples déclinaisons audio-visuelles et Läckman surfe sur la même voie, pratiquant de l’Agatha Christie à la sauce Ikea… si ses victimes meurent de mort violente, certains risquent de mourir d’ennui !
Point n’est le cas séant. Quitte à choisir, jetez-vous sur cette Princesse des glaces en BD où Léonie Bischoff et Olivier Bocquet font preuve de beaucoup de métier et d’une maîtrise graphique et narrative étonnante pour leur début de carrière !


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Guiseppe Manunta

Avant d’entreprendre ma carrière de dessinateur, entamée en 1994 avec les éditions italiennes Max Bunker Press, j’ai été graphiste et illustrateur. Ces emplois m’ont permis d’acquérir les bases pour m’exprimer au mieux dans le domaine de l’art de la communication.

J’ai étudié à l’Institut de l’Art de Naples, où je suis né en 1968, et ensuite à l’Académie des Beaux-Arts.

Mes voyages dans le nord de l’Europe ont influencé mes goûts et orienté mon style graphique. J’ai vécu en beaucoup d’endroits, à Rome, Milan, Pise, Galway (Irlande), aujourd’hui à Strasbourg.

Ma passion pour ce métier est toujours plus forte, et c’est là le secret, la passion, que j’ai toujours eue. Lorsque j’étais petit, je lisais déjà les bandes dessinées et cet appétit m’a naturellement orienté dans cette voie artistique. J’ai commencé avec les éditions M.B.P. pour lesquels j’ai réalisé le montage de bandes dessinées sous différents formats (pocket et de plus grande taille, au format classique italien) à partir d’une bande dessinée italienne des années 70 : « Daniel ». A partir de ce moment, j’ai commencé à publier des histoires de différents genres allant de la fantasy-érotique, comme la Giunchiglia, à des histoires plus « hots », mais aussi de la science-fiction, des histoires d’horreur, romantiques, policières. J’ai aussi dessiné pour les enfants et les adolescents… Les éditeurs italiens et étrangers avec lesquels j’ai collaboré sont : Edizioni Universo (l'Intrepido magazine), Coniglio Editore (Blue magazine), Edizioni Trentini (Selen magazine), Heavy Metal, Vent d'Ouest, Eura Editoriale (Lanciostori e Skorpion magazine), Rainbow Edizioni (Winx), Star Comics, Clair de Lune, Tabou Edizioni, Disney, Nuvoloso Edizioni.
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RENE, LE FEU "FOLLET" DE LA BD

A l’heure où tout un chacun goûterait à une paisible retraite, René Follet, 4 X 20 printemps et un peu plus, est encore un acharné du travail qui estime que ce n’est pas parce qu’il a une longue carrière derrière lui qu’il faut en rester là. L’homme est encore nourri de projets et son œil s’illumine lorsqu’il tient une plume ou un pinceau. D’ailleurs, jamais son talent n’a été aussi grand, son coup de crayon aussi souple et généreux, tout dans le geste et le dynamisme.

Tous les jours, il gravit la volée de marches raides comme la justice qui le mènent à son atelier, un trois pièces bondés d’ouvrages de documentation, dont à présent plus personne ne veut, because internet… Il prend place devant sa table de dessin et saisit un crayon, une plume, un pinceau… la magie commence à opérer… Sous les gestes vifs, les traits de crayon, la feuille blanche est un univers en devenir…

René Follet est pourtant injustement un de ces hommes de l’ombre de la bande dessinée et il convient de lui donner la place qu’il mérite, de ramener son talent à la lumière, non pas à l’ombre des plus grands mais à leur côté !

Son actualité est abondante, BD MUST a sorti ses 9 aventures de « Steven Severijn » dont seulement trois avaient été traduites en français à l’époque, les éditions de l’Elan ressortent un élégant tirage de luxe de « S.O.S. Bagarreur », BD commise avec Tillieux, agrémentée de pages restées mystérieusement inédites, dues aux contraintes éditoriales de l’époque et puis ce « Stevenson, le pirate intérieur » avec Rodolphe au scénario pour la collection Aire libre de Dupuis…

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LE DAHLIA NOIR - ROMAN CULTE POUR BD CULTE - MATZ

LE DAHLIA NOIR  par Hyman, Matz, Finchet et Elleroy - Casterman Rivages/Noir

Los Angeles Police Department, 1946. Dwight « Bucky » Bleichert fête son premier jour aux Mandats, le prestigieux service où rêvent de travailler la plupart des flics de la Cité des Anges. Il fera équipe avec Leland « Lee » Blanchard, un collègue qui comme lui a été boxeur, et qu’il a déjà affronté sur un ring. Malgré les non-dits entre eux, les deux hommes sympathisent. Ils ne savent pas encore qu’ils vont enquêter ensemble sur un crime qui va à la fois les rapprocher et bouleverser leurs existences : la mort atroce d’une jeune femme, Elizabeth « Betty » Short, surnommée le Dahlia Noir, dont on retrouve le corps mutilé dans un terrain vague, en janvier 1947…

Un quatuor de choc pour une oeuvre choc et chic à la fois. James Ellroy, écrivain, géant de la série noire, David Fincher réalisateur hollywoodien à qui on doit Zodiac et Seven, Matz auteur et scénariste BD du Tueur, du Plomb dans la tête et Miles Hyman, dessinateur BD et illustrateur des plus grands magazines.

Le Dahlia noir.

Un sommet du polar.

A présent un sommet de la bande dessinée.

Une promenade haletante le long de 170 pages d’une histoire faite de trahisons, portée par ce trait si gracieux, raffiné et élégant que seul cet Américain à Paris, Miles Hyman, peut proposer, le tout enjolivé par une couleur discrète qui reflète à merveille la lumière de Los Angeles, faite d’ombres et de lumière crue. Un scénario parfaitement millimétré par Matz qui a su rendre toute la saveur et la richesse du roman d’Ellroy tout en y insufflant son talent.

Une bande dessinée qui mérite de devenir aussi cultissime que le roman.

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PHILIPPE ZYTKA A PROPOS DES "ECHAPPES"

Philippe Zytka évoque la première partie des Echappés - Opération Tonga aux éditions Soleil, avec Laurent Seigneuret au dessin (interview JJ Procureur)

Alors que les alliés sont sur le point de débarquer en Normandie, un escadron de pilotes de planeurs quitte Harwell en Angleterre le 6 juin 1944, pour être largué à proximité des lignes ennemies, sur le territoire français. Le but de cette équipe est de livrer des jeeps aux troupes de parachutistes canadiens à Varaville. Mais le vol d'approche ne se déroule pas comme prévu et les planeurs doivent être largués juste au dessus des lignes de DCA allemande, positionnées sur la côte. L'engin piloté par Steve Moss et Rod Taylor s'écrase dans la campagne normande, dans une zone mal identifiée.

 
Un sujet méconnu de la seconde guerre mondiale et surtout de la fameuse opération Overlord, le scénariste Zytka - familier des reconstitutions historiques du débarquement à travers la bande dessinée (Commando Kiefer avec Marcel Uderzo, la Nuit des Paras…) et le dessinateur Laurent Seigneuret (Carlisle, le Trésor du Temple, une production encore peu abondante mais en progression constante), s’y attellent très sérieusement et déroulent les évènement chronologiquement, sans fioriture, avec une documentation abondante et d’un intérêt certain. Un sacré bon récit de guerre, sans fioriture, sans héros, des hommes, des vrais, livrés à eux même. Ceci n’est pas du cinéma mais de la bonne BD bien réaliste, avec en bonus un dossier historique rendant hommage à ceux qui ont donné leurs tripes et leur vie pour la liberté !

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CORBASSON-AVRIL en viennent aux (4) mains

En quelques années seulement, François Avril est devenu le chouchou de Bruxelles, il enchaîne les expositions à un rythme d’enfer. Alors que son épouse, Dominique Corbasson, vient d’exposer à la galerie Champaka sur le thème de Paris, voici que monsieur et madame se retrouvent quelques cent mètres plus loin sur le Sablon, à la galerie Petits Papiers pour un exercice à quatre mains et une première expo belge commune. Dominique a apposé des tâches de couleurs sur le support, à charge pour François de les interpréter à sa manière. Le résultat est parfois bluffant ! Tenez-vous au milieu de la crypte de la galerie qui abrite l’essentiel des 4 mains, regardez autour de vous, vous ne verrez que des tâches de couleurs. Rapprochez-vous à présent et le dessin apparaît, tantôt incongru, tantôt si typiquement urbain d’Avril, tantôt surprenant ! L’exercice ne laisse en tout cas pas indifférent. Le trop de couleurs de Dominique Corbasson s’associe parfaitement, harmonieusement, avec le trop de blanc de François Avril !
Le rez de la galerie est consacré à une grande fresque longue de 19 tableaux de François Avril. Il vous prend par la main et vous emmène visiter son paysage urbain, avec ces bâtiments carrés et ses bonhommes filiformes. Au premier c’est au tour de Dominique Corbasson de s’exprimer, points de vue urbains détaillés alternent avec des paysages côtiers proches de l’abstraction, dans ce déluge de couleurs qui lui est si typique.


François Avril et Dominique Corbasson « WEST COAST » – à la galerie Huberty - Breyne [Petits Papiers Bruxelles] du 18 octobre au 10 novembre 2013 !

Ne ratez cela à aucun prix !

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ZIYI: histoire sans parole - Interview de Jean-Luc Cornette

ZIYI est un de ces ovnis bédéistes, un de ces bouquins qui échappe à toute forme de catalogage et qui dés lors fait peur à tout éditeur qui ne désire en aucune manière effaroucher son public, d’où Scutella, éditeur prêt à prendre ce risque. Et avec raison ! Privé de dialogues, Ziyi est une longue suite de vignette noir et blanc, un conte post-apocalyptique où on suit cet espèce… d’animal ( ?) qui erre dans un monde de fin de monde et découvre la bestialité humaine dans toute sa bassesse à travers la candeur de ses grands yeux.
Cette fable cruelle est due à Jean-Luc Cornette, dessinateur, éditeur et scénariste (c’est vous dire si il connaît le monde dans lequel il évolue) auteur complet qui n’hésite pas à remettre son parcours en question en osant écrire de pareilles histoires. Il vient de faire parler de lui avec le Sourire de Mao (avec Michel Constant chez Futuropolis) où la plupart des lecteurs ont été plus bouleversés par la description de cette Wallonie du futur que par le récit en lui-même) Il est comme cela, Cornette, déconcertant. Une espèce de Lionel Messi de la BD ; il feinte vers la gauche et passera à droite.
Il est épaulé sur ce projet improbable par Jürg, dessinateur qui aime évoluer dans le second degré, dessinateur de polars cyniques et grotesques, genre de pendant aux frères Coen, dont le travail sur Ziyi me fait penser à un certain Crumb. C’est vous dire mon admiration car il embellit la laideur, obscurcit la clarté et son noir et blanc confère à l’expressionnisme.
Réservez une place à Ziyi dans votre bibliothèque, sans regret !
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EVE SUR LA BALANCOIRE - ENTRETIEN AVEC NATHALIE FERLUT

Eve sur la balançoire ou conte cruel de Manhattan de Nathalie Ferlut est un biopic, un fait divers qui a secoué l’Amérique du début du siècle, une jeune beauté dont la mère (maquerelle) a vendu les courbes, la première pin up qui n’est pas resté papillon très longtemps, à peine quelques années et qui a vécu le restant de son existence dans l’ombre d’elle-même. Faut-il pour cela l’en blâmer ? Non, car elle n’est aucunement responsable de ce qui lui est arrivé. Son début de vie a été partagé entre trois hommes, sans doute pas les plus fréquentables : un riche aussi oisif qu’irresponsable, un vieux pédophile et un journaliste débutant qui plus tard deviendra un acteur célèbre et qui, quitte à choisir le moins pire des trois, aurait pu la tirer du bourbier dans lequel elle sa mère l’enfonçait inexorablement, s’arrangeant bien pour lui maintenir la tête sous l’eau. Elle finira par disparaître avec les « économies » rassemblées sur le compte de sa fille…
Nathalie Ferlut s’en tire avec tous les honneurs et cet ouvrage se laisse lire sans interruption et laisse un arrière-goût amer tant l’aplomb des personnages masculins tout comme la mère (maquerelle), est sordide, une exploitation sans vergogne, le tout raconté dans un récit très coloré qui sonne comme le conte de fée moderne que c’est, un conte bien cruel d’une modernité inattendue. La téléréalité au début du vingtième siècle.

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