LEONIE BISCHOFF ET OLIVIER BOCQUET

Léonie Bischoff et Olivier Bocquet, voici deux noms à retenir pour le futur, les premiers soldats de la quatrième génération de la BD. Ils viennent de deux univers différents, n’étaient pas fait pour se rencontrer mais Casterman a joué à la marieuse et leur a proposé un pari risqué ; faire des bande dessinées à partir des polars de la suédoise Camilla Läckberg.
Léonie Bischoff, qui venait de terminer de tremper sa plume dans les eaux troubles des bayous avec le venimeux Hoodoo Darlin et Olivier Bocquet embarqué dans l’adaptation en BD de l’univers du criminel Fantômas, d’après les textes originaux qui ont souffert des grimaces de Fufu et du masque en latex de Jean Marais, ont accepté le défi et se sont retrouvés une semaine en Suède, sorte de blind date puisqu’ils ne se connaissaient pas, histoire de humer l’ambiance et de s’imprégner de l’atmosphère des histoires de Läckman.
Le résultat est tout à fait étonnant, ces deux-là ont réussi à faire un polar palpitant d’une œuvre très statique et abondement verbeuse. Le polar suédois est devenu un effet de mode depuis Millénium et ses multiples déclinaisons audio-visuelles et Läckman surfe sur la même voie, pratiquant de l’Agatha Christie à la sauce Ikea… si ses victimes meurent de mort violente, certains risquent de mourir d’ennui !
Point n’est le cas séant. Quitte à choisir, jetez-vous sur cette Princesse des glaces en BD où Léonie Bischoff et Olivier Bocquet font preuve de beaucoup de métier et d’une maîtrise graphique et narrative étonnante pour leur début de carrière !


la-princesse-des-glaces
L’avantage que nous avions était de ne pas être les auteurs de la Princesses de glace, nous permettant ainsi que plonger dans un univers, d’adapter une histoire existante. C’est l’éditeur qui nous l’a proposé, Casterman ayant acquis et voulait savoir s’il y avait un scénariste et un dessinateur prêt à le faire d’adaptation.
C’est pour cela que nous sommes parti une semaine en Suède, c’était la première fois que nous travaillions ensemble et il fallait travailler les personnages, faire un synopsis, s’approprier le truc, surtout rentrer dans cet univers. Léonie et moi venions d’univers fantasmés, Léonie le bayou (Hoodoo Darlin) et moi le Paris du début du 20 ème (Fantômas). Ce Princesse de glace se situe dans la réalité, ce qui est différent par rapport à Millénium, très sombre, ici tout peut arriver, et comme notre imaginaire était plus fort que le quotidien s’était important d’aller sur place. Le village où se passe réellement l’action est désert en hiver, nous avons eu l’occasion de discuter à propos de la vie quotidienne avec les villageois, créant ainsi des points d’ancrage, rendant l’histoire plus personnelle. Nous avions des points d’ancrage. Le fait d’avoir vu les décors, tout le hors champ de l’univers d’une BD, d’avoir  approfondi les personnages, l’histoire, le projet est devenu plus personnel et nous nous y sommes attachés.
Nous choisissions les décors sur place par rapport à l’histoire, nous les faisions coller avec l’histoire. Même quand on prenait des libertés avec l’histoire on choisissait dans ce décor, des choses qui nous arrangeaient par rapport aux déformations que nous avions besoin de faire par rapport au roman. Sans ces recherches, le bouquin aurait eu moins de charme ! Nous pouvions discuter du roman sur place, plus librement que par mail ou téléphone.
Nous n’avons jamais repris les dialogues du livre, nous avons rassemblés en une scène trois quatre scènes, remplacé certains dialogues par des visuels. En tant que scénariste je ne voulais pas faire de livre illustré. C’est très proche du cinéma, il faut montrer l’image plutôt que des pages entières de dialogues, mais s’il fallait en passer par là, il fallait tout rendre intéressant sans ennuyer le lecteur. On s’est bien pris la tête, mais finalement il y a du sentiment qui passe, de la chaleur et j’étais très touché à chaque fois que Léonie et moi arrivions à un bon résultat, une sorte de quintessence.
Nous avons pris 1400 photos sur place, donc les couleurs sont fidèles, au niveau lumières, des personnages, des maisons, nous avons inondé la coloriste d’image et par manque de temps il a fallu 3 coloristes.
La couverture évoque Laura Palmer, la victime de Twin peaks. En ce qui concerne la présentation des personnages en début de l’histoire, nous sommes contents du résultat même si au départ l’éditeur n’était pas pour, les personnages même morts s’adressent aux lecteurs et tout le monde dit que c’est pratique quoique surprenant. Cela permet de les identifier dans le livre.
Il y aura trois albums, nous serons dans une série avec quelques personnages récurrents.
Nous n’avons pas eu de réaction de la part de l’auteur, pas encore de retour. Nous n’étions pas sûre de nous au début, c’est une adaptation parce que le roman s’est très bien vendu, alors il faut qu’on arrive à lui donner une âme, on ne fait pas cela uniquement parce que potentiellement cela vaut de l’argent, nous avons notre fierté, nous voulions faire un vrai bouquin. Finalement, nous pouvons être content puisque nous avons évité de faire un produit dérivé du roman, nous avons réussi à nous l’approprier, à ne pas faire peur aux ayants droits. Au départ, les suédois, qui n’ont pas du tout la même conception de la BD que notre école franco-belge, considéraient que nous faisions un produit dérivé, mais Casterman a rétorqué qu’il s’agissait d’une œuvre à part entière et que des vrais auteurs ont travaillé dessus !

Identification (2)