WILL NOUS EN FAIT VOIR DE TOUTES LES COULEURS CHEZ CHAMPAKA

Champaka et Dupuis éditent conjointement « Le Jardin des couleurs », un artbook consacré à Will. Car Willy Maltaite n’est pas seulement le dessinateur de Tif et Tondu et d’Isabelle, c’est également un peintre de talent, un graphiste et un illustrateur et cela valait la peine de le démontrer. Dans un long texte très complet, Eric Verhoest décortique ces talents restés cachés du grand public, agrémentant le tout de dizaines de peintures et d’illustrations empreintes de l’admiration de l’artiste pour Toulouse Lautrec, Klimt mais aussi les fauvistes. Elève de Jijé, celui-ci lui appris tous les arts, tout en lui confiant que le seul qui pourrait lui faire gagner sa vie serait la bande dessinée!

 

Stephen Desberg, son dernier scénariste en témoigne : Will faisait des peintures depuis longtemps, on ne pouvait passer à côté chez lui, il y avait des jolies femmes peintes à même les murs. Il était habité par cette frustration, une discussion qui revenait souvent : comment intégrer la BD et la couleur alors que cela paraissait impossible dans le journal de Spirou de l’époque. Will avait envie de réaliser une œuvre plus adulte, saupoudrée de séduction et de jolies filles…

Eric Maltaite (fils de Will, dessinateur) : Cela venait d’une époque où il envisageait de faire des infidélités à Dupuis pour l’Echo des Savanes…

Stephen Desberg : Philippe Van Dooren voulait lancer la nouvelle collection plus adulte Aire Libre et il cherchait des projets. Il est donc venu à nous et nous a laissé carte blanche. Il n’est intervenu que rarement. Pour « La 27 ème lettre », j’avais prévu une fin heureuse et gentille, il m’a ouvert les yeux et j’ai revu la fin.

Eric Maltaite : Ce travail des couleurs est l’aboutissement d’une envie qui était présente depuis toujours, il se dédiait à la peinture. Jijé lui avait dit que la peinture ne nourrissait pas son homme. Il était aussi féru d’architecture, de mise en page, de graphisme. Il avait beaucoup de cordes à son arc, mais sous exploitées, jamais été portées aux yeux du public. C’est grâce à Stephen qu’on a commencé à se rendre compte de son talent.

Stephen Desberg : A l’époque il fallait alimenter sa série, c’est-à-dire faire un album par an, histoire de faire tourner le fond de commerce. J’étais jeune et enthousiasme mais Will disait qu’il en avait marre. Souvent j’ai eu l’idée de lui proposer autre chose, mais pendant des années on a buté sur le fait d’alimenter Tif et Tondu. Il le faisait sans grande envie. Il ne me montrait pas les planches qu’il réalisait. Dés « Le Jardin des désirs », à chaque fois que je venais ou quelqu’un d’autre passait, il éprouvait du plaisir à exhiber ses planches. Est-ce uniquement parce qu’il y avait de la couleur ? En tout cas, il en ressentait de la fierté !

Eric Maltaite : Un besoin d’avoir l’approbation ! Cela représentait une somme de travail et de qualité à maintenir du début à la fin, une certaine constance dans le travail de la couleur sur une soixantaine de pages. Mon père se trouvait devant quelque chose de tout nouveau et il était content de ce qu’il cherchait et il recherchait l’avis des autres. Un grand enthousiasme s’est dégagé de ses années où il a pu travailler en couleur. Les affiches qu’il a réalisées, cela vient de son attraction pour le graphisme. Il ne faut pas oublié qu’il a été directeur artistique de Tintin pendant deux ans. Il tout fait, de la mise en page aux illustrations. Mon père est un fan de Lautrec, de Mucha, de Klimt. Des artistes étaient aussi partagés entre peinture et graphisme.

Stephen Desberg : Ce n’était pas un grand raconteur d’histoire, il était attiré par l’esthétisme, la coloration, un illustrateur cherchant à développer sa palette. Pour Tif et Tondu, Tillieux lui traçait les cases et y insérait les dialogues et l’histoire. Assez rapidement je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas faire ça, je venais avec mes dialogues et mon idée de découpage et il prenait une feuille et faisait un croquis. Avec Delporte et Franquin, ils faisaient un pré découpage avec des dessins et Delporte retapait les dialogues et les descriptifs à la machine. C’était truculent !

Quand je suis arrivé, il était saturé de Tif et Tondu. Dés que je lui proposais un nouveau scénario, c’était systématique, il me disait qu’il en avait assez. Alors je ne me mettais pas au travail mais quand il arrivait à la planche 45 il me téléphonait et me demandait où j’en étais ! Et encore c’était en fonction de e qu’il voulait dessiner, il avait par exemple horreur des vélos et il me fallait parfois improviser, ce qui fait que certaines histoires partent dans toutes les directions. Sur ces œuvres en couleurs son investissement était très différent…

Propos recueillis lors de la visite de l’exposition LE JARDIN DES COULEURS consacrée à Will par la galerie Champaka. Un grand merci à Eric Verhoest et Viviane Vandeninden pour la qualité de leur accueil.

http://www.galeriechampaka.com/

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