Philippe Geluck et le chat erectus : l'interview

Le Chat, qui paraît en BD, édition simple et hors paire ainsi qu’en DVD, c’est toujours un grand moment de surréalisme à la belge : il serait le chaînon manquant entre le singe et l’homme, ses minutes feraient 48 secondes et ses semaines 6 heures… Tandis que son créateur, Philippe Geluck semble être une espèce en voie de disparition…

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Ph.G. : Je fais un métier – dessinateur humoristique - qui ne possède plus beaucoup de représentants. Quand j’étais petit il y avait des dessinateurs humoristes dans les journaux, Sempé, Tetsu, Chaval, des types fabuleux que je dévorais dans les journaux et illustrés de chez mes grands-parents. Et puis il y a eu Hara Kiri qui a enchanté mon adolescence et maintenant plus rien… Il y a bien encore les dessinateurs politiques comme Kroll, mais du gag pour du gag…

Par contre dans d’autres pays, notamment les USA toute l’équipe du New Yorker qui œuvre encore dans ce sens mais chez nous cela ne semble plus indispensable à la presse…

Sh. : Vous insérez des dessins d’actualité dans votre album ?

Ph.G. : J’ai déjà fait des dessins d’actualité de par le passé mais que je ne reprenais pas dans les albums parce que cela ne tiendrait plus la route 10, 15 ans après. D’ailleurs je ne sais si dans 20 ans on se rappellera qui était Sarkozy ou le Costa Concordia, mais en même temps vivons ici et maintenant, profitons du moment, j’avais des dessins d’actu qui me plaisaient bien et c’était l’occasion de les compiler dans les pages du livre !

Sh. : Sachant que le Chat est une succession de gags et de trips, quand est-ce que vous décidez qu’il est temps de produire un album ?

Ph.G. : C’est très prosaïque ! Par contrat mon éditeur me demande un album du chat tous les deux ans. Donc, je m’arrange pour que la production des deux années soit suffisamment riche pour produire un album. J’ai en général trop de matière, j’extrais le meilleur, je prends les dessins les plus variés, les plus déconnants. La constitution de l’album est un moment que j’aime, qui me prend de 3 à 4 mois, de février à juin, où j’essaye de faire quelque chose de cohérent, d’élégant de vachard et jusqu’au dernier moment, le bouclage de la maquette, je m’autorise encore à y mettre des dessins que je viens de faire.

Sh. : Est-ce que vous vous imposez un rythme de travail ?

Ph.G. : Les idées viennent quand je travaille, j’ai des horaires de bureau je me mets à table à 9 h et je la quitte à 19 h, je travaille 10 heures par jour et 5 jours par semaine, parce que il y a inventer les dessins chercher des idées pour des campagnes d’affichages, dessiner des sérigraphies, travailler sur des projets de produits dérivés, répondre aux mails, travailler sur les dessins animés, je ne peux pas inventer des gags pendant dix heures affilées et quand je quitte le travail je ferme ma lampe et redeviens un citoyen comme les autres. Ma création se passe dans le cadre de mon travail, point à la ligne.

Si j’ai une très bonne idée je prends note dans mon I phone. Même chose si je me réveille en rigolant au milieu de la nuit, j’ai imaginé un truc je le note et essaye de le dessiner le lendemain matin.

Sh . : Vous rêvez des idées ?

Ph.G. : Oui cela m’est arrivé !

Sh. : Il faut noter cela comme des heures supplémentaires, alors !

Ph.G. : Malheureusement je suis mon propre patron ! Ce serait l’idéal si je pouvais avoir toutes mes idées en rêvant, si mon cerveau était branché par une petite prise à un ordinateur, le lendemain matin je n’ai plus qu’à dessiner e que j’ai pondu la nuit. Il y a une idée que j’ai publiée il y a des années, que j’ai eue en rêvant, je l’ai noté tout de suite, le chat dans mon rêve disait mot pour mot si les abeilles étaient des moustiques elles ramèneraient du sang à la ruche et la reine ferait du boudin !

Sh. : Avez-vous des cycles de travail, des idées récurrentes ?

Ph.G. : Je dois avoir des récurrences, pas aussi marquée que Franquin et les parcmètres mais il y a des récurrences sur les psy, la Vénus de Milo. Pour l’instant, j’ai ma période hommes de cavernes, mais cela ne m’obsède pas au point de ne faire plus que cela. J’essaie de creuser la veine pour en extraire tout le charbon mais j’ai peur de m’installer dans un système, de me répéter, les running gag sont un piège à la facilité. D’installer un système fait qu’on se retrouve prisonnier de ce système, alors je casse souvent des habitudes pour ne pas m’y installer.

Sh. : Quoi de neuf avec la Minute du Chat ?

Ph.G. : La saison un vient de paraître en DVD et on prépare la saison 2. A la demande de France 2 la Minute du Chat faisait 48 secondes et passait quotidiennement avant le journal, une case en or mais un cadeau empoisonné car si elle avait une visibilité énorme, la durée était trop courte pour s’installer. J’ai un petit regret à ce sujet, alors j’ai repris le montage pour le DVD, afin que la capsule dure une minute trente et puis il y a la semaine du chat, inédite en France mais qui est passée en Belgique, des épisodes de six minutes. Il y a six heures de programmes sur les DVD, ce qui démontre la richesse de ce projet. Le fait d’utiliser des techniques différentes, la 2 D, la 3 D, la pâte à modeler relançait continuellement l’intérêt du public. Je n’ai pas de technique préférée, la meilleure est celle qui sert au mieux le gag.

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Sh. : Pour le présent album, vous renvoyez le Chat à la préhistoire ?

Ph.G. : Oui, à nos origines puisque le chat est ce fameux chaînon manquant entre le singe et l’homme. Il y a toujours ce mystère, le Chat a pris le relais à un moment mais il est très modeste face à l’histoire de l’humanité. Il sait le rôle qu’il a joué mais il ne veut pas la ramener. Je révèle donc la vérité sur ce qui s’est passé réellement…

Sh. : Et vous n’avez pas peur que les enfants réagissent face à la couverture ?

Ph.G. : Non parce que je peux le leur expliquer : le chat erectus - pourquoi erectus car c’est le moment où notre ancêtre s’est redressé, l’homme debout qui a vécu il y a un million et demi d’années - le chat qu’on connait marche à 4 pattes mais le mien marche à deux pattes donc chat erectus et ce gourdin qu’il tient à la main est la première arme que l’homme a inventée pour chasser. On l’appelle massue ou gourdin.

Et donc voilà les enfants une explication qui tient parfaitement la route !

Mais on peut aussi leur dire que l’expression « j’ai le gourdin », c’était il y a très très longtemps quand papa a rencontré maman et comme il faisait très chaud… mais moi j’ai une explication qui tient la route, est historique, sur laquelle les enfants n’ont strictement rien à dire !

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