TED BENOIT EN SCENE DE LA SENNE A LA SEINE

Thierry – alias Ted – Benoit aime jouer avec la clarté et l’obscurité. Swarte, un dessinateur dont le nom se traduit par noir l’initie à la ligne claire, puis elle se trouble en n’étant plus si claire que cela avant de gagner l’obscurité et de revenir. Ted Benoit aime l’absurde qu’il a conjugué au fil de ses histoires. Camera Obscura, sous-titré Vers la ligne claire et retour en est un exemple…

Ce n’est pas une intégrale, il n’y a pas les choses essentielles, j’ai mis tout ce qui était en train de disparaître et qu’il fallait rappeler, des livres qui ne sont plus réédités, qui ne sont plus disponibles. C’est un genre de best of, j’ai surtout choisi des choses auxquelles je tenais beaucoup et j’ai tout mis en perspective tout en respectant l’ordre de parution… J’ai toujours fait peu de BD, j’ai dis que je voulais dessiner quand cela m’amusait…

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Son (anti)héros le plus connu est l’ineffable Ray Banana, qui promène sa nonchalance dans des histoires souvent insensées voire incohérentes. Mais l’homme qui ne transpirait pas a disparu depuis quelques décennies…

Ray Banana continue à philosopher sur la toile, car je tiens toujours à lui, il m’accompagne depuis le début, il m’intéresse toujours et il est l’antinomie d’un philosophe…

Ray Banana, c’est un peu Clarke Gable physiquement mais pas trop, il est venu comme ça… Quand j’étais petit, mon père me parlait du mot rastaquouère, qui vient de l’espagnol « traîne cuillère », ces chevaliers désargentés, des aventuriers dont on ne sait pas trop d’où ils viennent, Banana est un rastaquouère, c’est comme ça.

Mais Ted Benoit, c’est surtout un bouquin essentiel qui secoue les fondations de la BD en 1981 : Vers la ligne claire. Pour la première le travail d’Hergé, de Jacobs et qui les ont inspirés comme St Ogan et McManus et « nommé » et Ted Benoit s’impose, avec Joost Swarte, comme le chef de file de la « nouvelle » ligne claire…

La ligne claire, c’est moi qui l’ai nommé comme cela en français. Swarte avait inventé les mots Klare lijn pour nommer un de ses catalogues lors de l’expo Hergé à Amsterdam. Il m’a guidé vers la ligne claire, je l’ai connu via Charlie Mensuel dans les années 73/75 et je trouvais sidérant de le voir dessiner comme Hergé mais des histoires tellement différentes !

La ligne claire a un côté commercial, je suis connu pour cela, cela correspond à mon parcours, cela accroche l’éditeur. Swarte et moi nous sommes rencontrés quand j’ai fait ma BD « Vers la ligne claire »… La couverture a un côté très soviétique car je viens d’une famille communiste et je trouvais que le terme avait un côté politique plutôt qu’artistique. Dans un bouquin sur Lénine j’avais lu qu’il avait la « ligne juste » par rapport aux autres, ligne juste - ligne claire, il y avait quelque chose de semblable.

Je suis de la deuxième génération de la ligne claire avec des gens comme Swarte, Chaland car si le dessin est ligne claire, les histoires et la façon de les raconter sont très différentes. Je n’ai jamais compris la différence entre la ligne claire et le style atome qui vient plutôt de l’école de Marcinelle. J’ai toujours été du côté Tintin. C’est Chaland qui m’a appris à dessiner au pinceau et je dessine encore au pinceau - J’ai réalisé les deux Blake and Mortimer de cette façon mais les fonds de décors sont à la plume. Le pinceau est très agréable, mais difficile à maîtriser…

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(Ray Banana envahi par une bande de paparazzi-relégué au second plan, Shesivan rit jaune mais voit rouge...)

Pourtant, lorsqu’il débutera dans la BD son trait est influencé par des Giraud, Tardi qu’il a vu défiler dans les pages de Pilote, mais aussi l’américain Crumb. Ted Benoit se cherche, tout en consommant déjà cet humour si monty pythonesque. Ted Benoit a quand même fini par trouver…

Quand j’ai commencé j’étais surtout attiré par l’underground américain, des types comme Crumb qui donnaient une liberté de dessiner et j’ai beaucoup recopié pour apprendre, du Jacobs, du Giraud… pour comprendre comme cela se faisait ! Quand je me suis à faire mes propres dessins, je me suis rendu compte que ce qui compte n’est pas la façon d’encrer mais le dessin au crayon qui est en dessous, c’est là où cela se construit, que le dessin marche ou ne marche pas… Il ne suffit pas d’avoir un beau trait de pinceau pour être Giraud !

La première fois que je suis venu à Bruxelles c’est pour l’émission sur Hergé et Tchang, j’étais un petit jeune et ensuite j’ai été le voir avec Swarte et Vermeulen, nous venions en pèlerinage et plus tard le studio Hergé a mis un de mes bouquins en couleurs…

Camera Obscura est le moyen idéal pour initier ceux qui voudrait connaître Ted Benoit, à Ted Benoit. Il a été invité à commenter ses actes et s’y prête avec beaucoup d’humour, de distance et évidemment une certaine nonchalance…

Pour reparler de Camera Obscura, j’ai fait tous les écrits, je ne voulais pas faire une autobiographie, j’ai gardé un côté Ray Banana !

En plus et c’est rare, Ted Benoit, s’expose afin que nous puissions admirer ses dessins en live et en grandeur nature, car c’est un perfectionniste et un maître. Ce n’est pas pour rien que Jean Van Hamme a fait appel à lui pour générer les nouvelles aventures de Blake et Mortimer. Pour beaucoup l’Affaire Francis Blake reste le meilleur ouvrage de cette seconde génération ! Il y a dans ses pages quelque chose de spontané qu’on ne retrouvera plus par après. Malheureusement, Ted Benoit s’abstiendra d’un troisième opus. Trop lent, qu’il dit. Mais bon, c’est un perfectionniste et vitesse et perfectionnisme sont des antinomiques

En ce qui concerne mes expos conjointes à Bruxelles et à Paris, il n’y a aucune différence dans le matériel exposé, il a été réparti entre les deux localisations. Il y a un peu plus à voir à Paris car c’est plus grand, c’est tout…


 

Pour continuer à suivre les activités de Ted Benoit :
http://metropolisjournal.blogspot.be/


Pour continuer à supporter les bétises de Ray Banana :
http://lespenseesimprobablesderaybanana.blogspot.be/


 
Pour tout savoir sur l'expo Ted Benoit :
http://www.galeriechampaka.com/#

 

Ted Benoit : CAMERA OBSCURA vers la ligne claire et retour est un ouvrage édité par Champaka et une double exposition aux galeries du même nom, à Paris (Beaubourg) et Bruxelles (Sablon)

(Pour les photos, un grand merci à Yves Declercq et Jean-Jacques Procureur)

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