Olivier Grenson, entre Lucky Luke et Blueberry


Olivier Grenson fête autant ses 50 ans que ses 25 ans de carrière, l’heure de faire les comptes… Olivier Grenson, un auteur qui a toujours mis la barre haute aussi bien pour lui-même que pour son lectorat, un auteur qui n’a jamais hésité à prendre des risques qui en fin de compte ont toujours été payants. Schuiten et Bellefroid le considèrent comme un des fers de lance de cette 3 ème génération de cette BD franco-belge qui a beaucoup de mal à sortir la tête hors de l’eau, surtout de ce côté de la frontière... C’est une place dans le peloton de tête entièrement méritée. Le CBBD consacre à Olivier Grenson une exposition rétrospective, histoire que chacun puisse apprécier à sa juste valeur et admirer ce talent sans cesse grandissant. A se demander jusqu’où il va nous enchanter ?
L’heure est aussi venue pour Niklos Koda de ressortir de l’ombre, après y être resté caché durant cinq ans. Ses aventures sont plus mystérieuses et plus ésotériques que jamais, redoutablement mises en scène par le maître scénariste Jean Dufaux, transcendées par le pourpre et la terre de sienne brûlée, les couleurs fétiches de Grenson…

 grenqson

En ce qui concerne l’expo, j’ai été étonné quand on m’a contacté pour me la proposer, la première question que j’ai posée a été : «  Avec qui ? »

Puis, quand j’ai raccroché je me suis posé une deuxième question : on va me rappeler et me dire qu’il s’agit d’une erreur !

L’exposition était prévue en décembre mais la date a été avancée, j’avais prévu de faire un petit catalogue, une petite édition avec des dessins à part mais je n’ai pas eu le temps. Je suis très satisfait de la scénographie qui a été faite par Jean Serneels, il y a beaucoup de bonnes idées, surtout en utilisant cet espace qui n’est pas modulable. L’expo s’articule bien avec l’espace imposé !

Je suis très flatté qu’on me considère comme un des chefs de file de la 3 ème génération de la BD (franco)-belge, je suis convaincu que dans la BD d’aujourd’hui la moyenne est très haute, il y a des jeunes doués mais il faut trouver ce petit truc qui fait aller plus loin, il faut accepter de prendre des risques, je n’ai pas encore pris beaucoup de risques mais je commence. Cette expo me booste, j’ai envie de me remettre plus au boulot, pour l’instant je termine la deuxième partie du Niklos Koda et j’ai deux scénarii en chantier.

C’est agréable de voir que les choses que je fais ne partent pas dans des directions différentes. Je me suis découvert à travers cette expo, en cherchant quoi mettre dans l’expo, le choix des pièces à exposer, je me suis rendu compte que pendant ces années-là j’ai dû faire des choix, ne fut-ce qu’à cause d’un éditeur ou de moi-même…

Au début j’étais chez Dupuis, où j’ai écrit une histoire dans le genre de Bidouille et Violette (Hislaire), de Frank Pé, du romantisme positif… un regard naïf sur le monde. J’ai enchaîné avec Jack et Lola, publié dans Circus mais pas en album… Lefrancq m’a proposé l’adaptation d’Harry Dickson, mais comme le concept était déjà pris nous en avons fait (avec Michel Oleffe) Carland Cross.

En revoyant l’expo, je dirais que mon style naturel se situe entre Lucky Luke et Blueberry ! Depuis le début de ma carrière j’ai toujours alterné avec les styles, il n’y en a pas beaucoup qui peuvent alterner. Mon modèle est Giraud avec Moebius à côté, c’est tellement génial de pouvoir se reposer d’un travail sur l’autre, la prise de risque constante. Giraud est mon modèle de positionnement en rapport à la bande dessinée.

J’ai été formé par Leonardo, une formation très Spirou mais très fermée aussi. A l’époque quand tu disais vouloir faire du dessin réaliste, il fallait être super bon, étudier l’anatomie. Moi qui voulait être publié dans Spirou, mes premières planches on été publiée chez Tintin ! De même Le projet Niklos Koda a été proposé chez Dupuis, il a abouti au Lombard !

C’est l’ERG, où j’enseigne le dessin, que mon talent a éclaté, mon envie d’explorer, de me remettre en question, je lâche la bride à mes élèves, j’ouvre les robinets ! Arriver à faire une série avec un personnage récurrent, populaire, classique, a été une envie depuis le départ, avec Carland Cross j’avais fini par tourner en rond alors quand Dufaux m’a proposé Niklos Koda, j’ai vu qu’il y avait du potentiel, des évolutions pour le personnage.

Je prends beaucoup de risque avec la couleur directe, j’ai commencé à la faire dans les années 80 avec des marqueurs lay out, je commençais un album avec Lapière, que nous avons laissé tombé, au niveau dessin ce n’était pas bon mais il fallait que je le travaille. Avec Carland Cross j’ai fait de la couleur directe, pour la page de garde du golem j’en avais fait, un dessin dans un souterrain avec des rats et quand j’ai vu le dessin agrandit pour une affiche je me suis demandé qui avait dessiné ce personnage, c’était vraiment mauvais !

Je suis quelqu’un de lent, je ne suis pas un virtuose. A l’époque j’ai failli arrêter la BD à cause de dessinateurs comme Denis Bodart et Alec Severin, leur niveau était tellement haut ! J’ai même failli changer de branche, j’ai voulu m’inscrire à l’INSAS en tant que réalisateur de film, j’y ai croisé Rémy Belvaux (C’est arrivé près de chez vous) qui lui voulait faire de la BD…

Concernant le nouveau Niklos Koda, avec Dufaux, j’avais envie de faire une pause. Il utilise des métaphores et je me demande parfois quelle est la part d’intuition et la part de contrôle dans ses histoires ? Je ne sais pas de quelle manière il contrôle cela, comme si il avait inventé un ésotérisme à lui seul, il met en jeu des choses fort symboliques. Le fait de s’arrêter et de prendre du recul m’a permis de reprendre du plaisir et de recadrer l’univers du personnage.

Concernant mes travaux en solo, j’avais beaucoup de projets commencés puis abandonnés et j’ai fini par me lancer.

Dufaux m’a appris énormément sur la manière de gérer un univers et Denis Lapière m’a donné le coup de pied pour passer à l’acte, je ne voulais pas leur demander conseil, leur influence était trop grande, alors j’ai recherché auprès d’autres personnes qui me sont proches, comme mon épouse, et elle n’est pas là pour m’encenser ! Thierry Bellefroid a aussi lu certains scénarii (La douceur de l’enfer) et m’a dit d’abandonner des choses… que j’ai gardées mais que j’ai retravaillé, le regard extérieur est important pour moi… mais j’ai mon droit de regard !

J’ai pris des cours d’écriture avec mes étudiants, j’ai beaucoup appris d’eux, je suis en manque d’écrire là, j’ai deux sujets en chantier, un qui patine parce que je ne suis pas assez dedans… Je dois laisser reposer… Une fois que l’histoire est faite ainsi que le découpage, le reste c’est du travail technique à réaliser, quand tu es auteur complet tu recorriges quand tu veux, le dessin est plus un plaisir que tu t’accordes.

CBBD 22.10.13 > 19.01.14

Olivier Grenson

25 ans de création
http://www.cbbd.be/fr/les-grandes-expositions-temporaires/olivier-grenson



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