SERGE PERROTIN ET JM ALLAIS POUR IL PENNELLO (Sandawe)

il pennello

 

Interview pour Il Pennello

1er album financé par des édinautes

(même s'il paraît après deux autres albums chez Sandawe)

 

 

 

 

  Patrick Pinchart arbore un sourire qui fait trois fois le tour de sa tête parce que Sandawe est à présent une affaire qui roule. Mardi passé, le financement du tome 2 de « Maudit mardi » de Nicolas Vadot était terminé en un temps record et hier, un sixième album clôturait son financement : « Le Chevalier mécanique », alors qu’en fin de semaine passée il n’en était qu’à 85 %. C’est vous dire qu’il vaut mieux placer ses thunes chez Sandawe qu’en bourse Clin d'oeil
Ce mardi 30 août, le créateur de l’édition via Internet recevait la presse au CBBD afin de présenter « Il Pennelli » de Serge Perrotin et Jean-Marc Allais. « Il Pennello » est premier album qui fut entièrement financé mais ne paraît qu’après « Maudit mardi » et « Maître Corbaque » (Zidrou/E411). Point d’inquiétude, il sera expliqué pourquoi… Serge Perrotin est originaire de La Rochelle, le teint hâlé, cheveux aux vents, look de corsaire moderne. Un baroudeur, il a vécu en Australie…
Scénariste, il a quelques séries à son actif : « Sphères, Terra Incognita, L’Autre Terre », un épisode de « Frank Lincoln », ainsi que « Lance Crow Dog » chez Soleil, polar ethnique en cinq albums. Serge ne cache pas son envie d’en sortir un sixième, avec son nouveau complice Jean-Marc Allais. Il adore les romans de Tony Hillerman et ce n’est que par crainte des droits d’auteurs qu’il a créé son propre flic indien dont il est très fier. Il a d’ailleurs visité quelques réserves indiennes, dont celle des Navajos, histoire de voir si il n’a pas raconté des bêtises… Scénariste, raconteur d’histoires et futur romancier de science-fiction, c’est le plus volubile des deux hommes. Jean-Marc Allais est plus secret, il est novice dans le métier et possède déjà un joli coup de pinceau. A se demander si « Il Pennello » - le pinceau en italien – n’existe pas vraiment…
Revenons-en à cette BD « Il Pennello »… Une intrigue redoutable : l’histoire d’un pinceau inventé par Léonard de Vinci qui permet de donner du talent à celui qui l’utilise… mais aussi de donner vie à ce qui a été dessiné… L’idée de départ était de mettre ce pinceau entre les mains d’un peintre vivant à la fin du 19 ème siècle, idée abandonnée par Perrotin suite au désintérêt des éditeurs. Il va donc imaginer un auteur de BD au lieu d’un peintre, placer celui-ci dans le futur, en 2054, uniquement parce qu’il faut que Régis Loisel et Le Tendre soient décédés ! Et pourquoi ? Parce que la femme qui prendra vie sous les coups de pinceaux du dessinateur est le modèle qui servit aux auteurs de « La Quête de l’oiseau du temps » pour croquer la charmante Pelisse ! Anton, looser de première et dessinateur de BD sans talent entre en possession du pinceau magique par l’intermédiaire d’un antiquaire au look satanique. En échange, il devra lui céder ses œuvres afin de les vendre au prix fort. Fan de Pelisse, Anton la peint sur une toile et elle se matérialise sous ses yeux ! L’histoire est longue, 80 pages, presque un double album, ce qui permet au scénariste de bien installer l’histoire et d’en explorer tous les aspects, cela sans provoquer de lassitude à la lecture. L’histoire est tellement dense que Pinchart n’a pas hésité à la cataloguer comme roman graphique ! Quant au graphisme du débutant Jean-Marc Allais, il est classique et déjà bien au point pour sa première œuvre. En ce qui concerne la fin, elle est ouverte (pour d’autres aventures), regardez bien dans les prunelles du chat et pensez à ce que ses griffes pourraient infliger à notre planète dessinée sur un bout de papier par un enfant…
Un bon album pour Sandawe, les édinautes ne se sont pas trompés, car il ne faut pas oublier que dans le cas présent ce sont les lecteurs qui choisissent leur BD et la font naître à partir de rien (ou si peu) !



Bon, après l’examen écrit, voici l’oral !


Shesivan : « Il Pennello » est le premier album financé par Sandawe ?
Serge Perrotin : Il a accompagné le lancement du site en janvier 2010 et au printemps 2010 le budget était bouclé mais c’est le deuxième album publié, parce que « Maître Corbaque » a été financé après « Il Pennello », mais étant donné que le matériel était déjà existant il a pu paraître plus tôt, début 2011. Nous, il a fallu qu’on dessine et termine de scénariser l’album avant de le publier…

Shesivan : Ils ont tous été financés en même temps, ces albums ?
Serge Perrotin : Je ne pense pas, il faut voir avec Patrick Pinchart, notre budget était financé fin juin, Maudit Mardi au mois d’août et Corbaque vers la même époque. Nous avons d’ailleurs été surpris de la vitesse avec laquelle cela s’est passé… On partait dans l’inconnue, c’est une première mondiale, ce concept du financement d’une BD par des internautes même si le concept existe déjà au niveau de la musique. 260 personnes qui ont investi de l’argent sur une idée nouvelle, c’est étonnant !

Shesivan : Au départ, vous aviez quoi, comme matière à présenter aux édinautes?
Serge Perrotin : Pratiquement la moitié de l’album. Avant cela, nous avions signé chez un autre éditeur qui a eut des problèmes économique et nous avons récupéré notre liberté au moment où Sandawe s’est lancé sur le net. Nous avons envoyé à Patrick Pinchart plus qu’un dossier puisque 40 planches existaient, il a vraiment pu juger le travail. Il a été intéressé par rapport à l’histoire mais aussi parce qu’on était bien avancé. Si le financement se faisait il n’y aurait pas deux ans avant l’aboutissement du projet mais entre 6 à 8 mois…

Shesivan : Le premier jet de « Il Pennello » se passe plutôt dans le passé ?
Serge Perrotin : J’ai commencé à écrire l’histoire d’Anton, le personne principal, il y a 8… 9 ans, un artiste peintre, un looser qui vivait dans le Londres de la fin du 19ème siècle. A l’époque, je travaillais avec un dessinateur qui s’appelait Stéphane Heurteau, féru d’ambiance anglo-saxonne. La première version n’a pas rencontré d’intérêt au niveau des éditeurs donc on a arrêté. J’ai réfléchi par rapport à cet échec et je me suis dit que le monde que je portais en moi n’était pas la peinture mais la BD, alors pourquoi ne pas transporter le personnage dans ce monde-là ? Aussi le personnage anglais était amoureux fou d’une héroïne d’Eugène Delacroix, qu’il peignait et qu’il faisait venir dans son propre temps. Alors je me suis dit que mon personnage devait être amoureux d’une personnage de BD et j’ai jeté mon dévolu sur Pelisse, de Loisel et Le Tendre dans la « Quête de l’oiseau du temps ». Comme je tuais le créateur de Pelisse, il fallait que cela se passe dans un futur assez éloigné, d’où l’idée du récit d’anticipation. On se retrouve donc dans le Paris de 2054 où un dessinateur raté va dessiner Pelisse et de fait fera venir le modèle qu’à utilisé Loisel pour la créer, même si ce dernier n’a jamais utilisé de modèle pour créer son personnage !

Shesivan : Et vous n’avez pas eu de problème avec Loisel et Le Tendre ?
Serge Perrotin : Non c’était génial, j’ai présenté mon idée, mon concept aux auteurs et cela leur a plu, aussi fait rire et ils m’ont donné leur feu vert. J’ai aussi eu le feu vert de l’éditeur. Je pense que les grands auteurs sont des gens simples et abordables, cela a été une grande satisfaction de pouvoir travailler, non pas avec eux mais en ayant leur bénédiction !

Shesivan : Comment avez-vous rencontré Jean-Marc (Allais) ?
Serge Perrotin (se tournant vers son dessinateur) : Tu peux répondre si tu veux…
Jean-Marc Allais : Comment j’ai rencontré Serge ? Un de ces meilleurs copains est un cousin de ma femme… Moi je commençais à chercher un scénariste et j’ai envoyé quelques planches à Serge. On s’est appelé au téléphone et au bout d’un quart d’heure, il m’a demandé de me rappeler à la fin de l’été, qu’il aurait quelque chose pour toi. Nous avons fait des essais et quasiment démarré dans la foulée. Je viens plutôt du monde de la peinture, j’ai une formation de peintre mais comme je dessine aussi je n‘ai pas eu trop de mal à passer du côté du dessin. Je suis un peintre figuratif, d’où mon style de dessin réaliste.

Shesivan : Le fait que ce soit un projet de SF ne vous gênait pas ?
Jean-Marc Allais : Non parce qu’en fait ce n’est pas le sujet principal, c’est l’action qui se passe dans le futur. 2054 ce n’est pas 10350, ce n’est que le décor pour servir l’histoire…

Shesivan : C’était juste pour caser Pelisse ?
Serge Perrotin : Comme je voulais l’utiliser je savais aussi que j’allais parler des auteurs et je savais que mon personnage devait être décédé, je me suis donc projeté dans un futur proche. Cela avait du sens par rapport à la vie des deux auteurs, c’était une héroïne du passé pour notre personnage à nous. Je voulais rendre un hommage à leur travail et faire un clin d’œil. On aurait pu choisir une autre héroïne, il y en a plein d’assez belles et charismatique… Je ne suis pas fan d’heroïc fantasy mais j’ai vraiment été intéressé quand « La Quête… » est paru dans les années 80. Loisel et Le Tendre sont des précurseurs, mais racontent en fait une histoire d’amour, de passion, une histoire transe genre qui aurait pu être un polar, médiéval. Ce qui était important c’était la relation entre les personnages. C’est une œuvre majeure parce que les personnages sont très forts, d’où l’envie de rendre hommage à Pelisse même si elle n’est pas au cœur de l’intrigue, elle passe en filigrane…

Shesivan : Vous êtes essentiellement scénariste de SF ?
Serge Perrotin : J’ai fait pas mal de projets de SF. Je me suis fait connaître au départ par un récit policier mais mes premiers amours  restent la SF. J’ai grandi avec des écrivains de SF, Barjavel notamment, qui a accompagné des cinéastes qui m'ont fait rêver comme Spielberg, Lucas... Je me suis toujours dit que j’aimais aller vers la SF. « Terra Incognita », qui était ma première série de SF était nourrie de ses auteurs-là, en film et en romans.

Shesivan : Vous avez entendu parler de la nouvelle série de Spielberg : « Terra Nova* » ? C’est un peu pompé sur « Terra Incognita** », non ?
Serge Perrotin : Je regarde peu la TV et je sais que je rate la création actuelle qui passe par les séries !

* La Terre étant mal en point, une colonie est envoyée à l’époque des dinosaures.
** 28 « élus » sont renvoyés 30.000 ans en arrière pour repeupler la Terre.

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