FRANCOIS MAINGOVAL ET ERIC ALBERT - CORPUS CHRISTI

Lors de fouilles sur le site de Petra, Thomas Bellec découvre le corps momifié du Christ. Une plaquette en araméen authentifie ce corps. Mais la preuve finale se trouve depuis 2.000 ans dans un coffre du Vatican. Chaque pape, au moment où il accède à la magistrature suprême, se voit révéler le secret ultime. Bellec veut garder le secret le plus longtemps possible, le temps de ramener la momie en lieu sûr mais La nouvelle s’ébruite rapidement. Certains veulent récupérer la momie à tout prix…
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Corpus Christi doit être le dixième (ou plus) album des éditions Sandawé, financé par les lecteurs devenus par la même occasion éditeurs. Corpus Christi aurait pu être un thriller ésotérique mais n’est est pas un, ici pas de jeu de piste à la code De Vinci, juste une trouvaille archéologique tellement énorme qu’elle risque de bousculer toute la religion catholique, si pas plus. Parce qu’en fin stratège, le scénariste François Maingoval va mettre en scène plusieurs « entités » qui vont vouloir s’accaparer ce bien à leur seul profit. Même si il s’agit du Christ personne n’a vraiment envie de partager, car tel est devenu le dogme de notre pauvre société. Et Thomas Bellec, ce pauvre archéologue belge, qui trimballe son propre Judas, va tenter de prendre la fuite et sauver « sa » découverte. Est-il pour cela meilleur que les autres ? Il se rattrapera vers la fin, laquelle, pour ceux qui se plaignent que la BD se termine un peu abruptement, reste ouverte et peut donner lieu à un deuxième volume. Le graphisme de Eric Albert, venu du dessin animé et de l’illustration est clair et se laisse lire… Le pauvre n’a pas été épargné par son scénariste, hélicoptères, charges de chevaux, ruines de Petra…

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© JJ Procureur


(François Maingoval) Ce n’est pas de la BD ésotérique, c’est une BD réaliste. Il existe un genre de Jésusland aux Etats-Unis, où le christ se fait crucifier tous les jours vers quinze heures, où tu peux manger des hamburgers… c’est d’un mauvais goût formidable, tout comme cette cathédrale en cristal, aussi réelle, aux mains d’une secte !
Tout ce qui se trouve dans le récit n’existe pas nécessaire mais pourrait exister, tout est plausible car il est fort possible qu’un jour on retrouve le corps du christ… il doit bien exister quelque part. Et si on retrouve le corps du christ cela ne remettra pas en cause la mentalité de la philosophie de la religion catholique qu’est la mort du prochain, cela remet en cause les dogmes de la résurrection du christ…

(Eric Albert) Le Vatican nous a donné un coup de pub remarquable avec la démission du pape ! Je terminais à peine la dernière page lorsque j’ai entendu la nouvelle et nous avons saisi cette occasion pour rebondir sur l’actualité.

(François Maingoval) Il a été prévu que le livre soit envoyé au Vatican mais je ne sais pas si cela a été fait. Il n’y a rien d’agressif dans cette BD par rapport à la religion catholique, d’ailleurs je l’ai offerte au vice-recteur de l’université catholique de Louvain qui l’a beaucoup appréciée !
Je suis incapable de dire comment j’ai trouvé l’idée de départ de ce récit, un jour une idée qui trotte dans votre tête et qui vous travaille… Mon grand-père est archéologue, il a trouvé le trésor de Liberchies, 300 pièces en or datant de l’époque du Christ. Moi-même, je ne suis pas l’archéologue mais il y a un peu chacun de nous dans ces personnages. J’ai essayé d’éviter les clichés, j’ai créé des personnages très crédibles, humains et même parfois pas très sympathiques…
Je connaissais Patrick Pinchard depuis des années, il y a une dizaine d’années il avait le site actuaBD et quand sa gestion est devenue trop lourde, je lui ai donné un coup de main. Voulant lancer Sandawé, il voulait des auteurs qui avait de la bouteille et il a flashé tout de suite sur ce projet. J’ai rencontré Éric et nous avons trouvé ce concept intéressant. Nous étions les premiers sur le site !
Au début il n’y avait pas d’échange entre les édinautes et nous, ce qui fait que le projet est resté assez longtemps sans financement, alors nous avons commencé à faire des dessins. C’était très lourd, contraignant, chronophage puisqu’il fallait alimenter notre page tous les deux trois jours. Il fallait affronter des édinautes très critiques qui s’acharnaient sur des événements qui en finalité perturbaient l’image. Il faut avoir l’intelligence d’écouter et pouvoir s’accaparer les bonnes idées, mais il y a des limites à ce genre d’échanges, il faut de la courtoisie.
D’ailleurs l’édinaute qui a donné la plus grosse somme au projet est devenu un des méchants de l’histoire et cela lui a fait plaisir !

(Eric Albert) C’est ma première BD. Je viens de l’illustration, du dessin animé, mais j’ai toujours considéré que je faisais de la BD même si c’est un rythme très différent. Il y a de formidables illustrateurs mais ils ne savent pas faire de BD. En fait, le but c’est de passer d’une case à une autre, de faire sortir le spectateur de la case pour l’obliger à aller à la case suivante. Si il s’arrête il ne lit pas. Il y a des dessinateurs très moyens comme Hergé qui sont de formidables raconteurs d’histoire, des accapareurs… Ce sont des récits qui se lisent avec les doigts, le doigt qui suit les cases et le dessin doit être au service du scénariste qui développe l’histoire… Une BD ne doit pas être trop riche, il faut un rythme, un tempo…
François et moi nous sommes rencontrés à l’occasion d’un projet pour l’écurie Jacques Martin, projet qui finalement n’a pas abouti… Si le public suit et si l’éditeur est d’accord un scénario pour le tome deux est prêt !

Corpus Christi (scénario F. Maingoval - dessins E. Albert) vient de paraître aux éditions Sandawé et il y a actuellement une exposition des planches originales à la Gallery du CBBD.
 

ENTRETIEN AVEC KAMAGURKA: LA LOGIQUE DE L'ABSURDE

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(photo Yves Declercq) Kamagurka-Viviane-Ever Meulen et Herr Seele

A quelques centaines de mètres de ce parlement flamand d’où jaillit une polémique linguistique et bédéique qui déchire déjà les deux côtés politiques de notre petit pays, petit esprit, la galerie Champaka expose un duo d’auteurs flamands, Herr Seele et Kamagurka, coupables depuis plus de trente ans d’avoir créé Cowboy Henk, ce bellâtre, sorte de croisement entre Lambique et Superman mais en blond qu’on croirait con comme ses pieds mais qui poursuit une logique qui souvent échappe aux autres… Et même que ce pur produit flamand a franchi les frontières en se faisant publier dans RAW et Fluide Glacial et Hara Kiri, excusez du peu. Le voilà qui finit enfin traduit en français et en album, édité par FRMK, ce collectif qui ose là où les autres n’osent pas. Un bouquin épais comme une encyclopédie qui rassemble une bonne centaine des aventures improbables du grand blond, aux couleurs très franches, un humour très corrosif. Cow-boy Henk y commet toutes les atrocités et ira où les autres n’iront pas et même plus loin si il le faut... Pour notre plus grand plaisir car nous découvrons, si ce n’est déjà fait, le talent de ces deux auteurs, BV de leur côté de la frontière et ce personnage qui tout compte fait chipote du même côté de l’absurdité surréaliste que le chat de Geluck et qui n’est ni plus mal ni mieux dessiné. Fort de ses 32 ans d’existence, Cow-boy Henk a fait des émules de son côté (linguistique) avec les Kinky et Cosy de Nix et les jumeaux critiques de Brecht Vandenbroucke, pour n’évoquer que ceux qui me reviennent en mémoire !

Ne manquez pas d’aller faire un tour du côté du Sablon et après avoir parcouru la trentaine de grandes planches du blond Henk chez Champaka, passez de l’autre côté de l’église jeter un oeil aux œuvres déjantées de deux autres flamands, Johan de Moor et Al Balis qui exposent à la galerie Petits Papiers.

A bon entendeur salut, messieurs les flamingants, en BD il n’y a pas de frontière linguistique et nous, passionnés de BD, ne nous laisserons embarquer dans votre connerie extrémiste !

De l’absurdisme ? C’est un terme plutôt ardu parce que si on y réfléchit bien il n’y a pas moyen de faire un gag absurde, parce que personne ne comprendrait. Dans COWBOY HENK il y a des éléments absurdes mais qui restent en finalité logiques.

COWBOY HENK est une sorte de rêve, quand tu rêves, tu sais que tu rêves, c’est une situation de rêve où il arrive des situations absurdes mais qui se résolvent de façon logique. La logique est le plus important, uniquement absurde serait incompréhensible...

La plupart du temps, Herr Seele et moi créons nos histoires au café, à Ostende. Je commence par boire des cafés très fort et Herr Seele du thé mais ensuite nous passons à la Trappiste. Pendant ce temps là, nous sommes en train de griffonner sur la table, si bien qu’à la fin nous avons une vingtaine de récits. J’observe mon partenaire, il a un visage très spécifique et cela m’inspire. Dés que je l’observe, je ne peux m’empêcher de rire, ce qui me mets dans cet état d’esprit me permettant d’imaginer cette sorte d’histoires…

Ce n’est pas évident de faire rire les gens avec COWBOY HENK. Tout le monde ne rit pas avec lui néanmoins nous avons un vaste public, et même des enfants de dix ans qui adorent cela.

Ce n’est pas nous premier album en français, le premier s’appelait Maurice le cowboy et a été édité chez Albin Michel. Nous ne nous sommes jamais beaucoup préoccupé de faire des albums parce que j’ai une vie très remplie en tant qu’artiste : peinture, tv, théâtre…

COWBOY HENK est né en 1981, je faisais des strips dans le journal Vooruit et Peter (Herr Seele) était butler chez moi. Comme j’en avais marre de faire ces strips j’ai imaginé un autre job pour lui : dessiner. Il a un style très simple. Les premiers COWBOY HENK ressemblent aux premiers dessins de Hergé. De toute façon, nous avions établi une sorte de plan pour évoluer notre personnage vers ce qu’il est à présent. Je n’ai jamais pensé que nous allions tenir le coup pendant 30 ans, j’imaginais qu’il n’allait durer que quelques années…

 

JEROME LEBRUN - DU RIFIFI CHEZ LES YEYES

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Déjà auteur du futuriste « Félix dans le rétro » avec le scénariste Saez, Jérôme Lebrun revient avec « Du Rififi chez les Yéyés », un titre qui fleure bon les sixties, pardon, les années soixante, puisque l’action se passe en France avec des Français. Il y est donc question d’ancêtres vintage – ici la 4CV - , de yéyé et de SDEC, les services secrets français créé sur le modèle américain par de Gaulle après la deuxième guerre. Raoul Scopitone et son fidèle complice Marcel Formica sont les agents les plus rantanplans de la SDEC et chacune de leur intervention finit par un chaos. On les lance donc aux trousses de kidnappeurs de rock stars sur les routes de France. Inutile de vous dire que tout cela n’est pas très sérieux, que ceux qui adorent le cinéma français des années soixante vont adorer cela, Gabin, Ventura, les dialogues de Michel Audiard, Henri Verneuil, le Baron de l’écluse, les Tontons flingueurs, le Monocle et j’en passe.
Toute la course-poursuite est mise en image par le français Jérôme Lebrun, originaire de Djibouti, français, habitant en Allemagne et adorant la Belgique ! Bref, quelqu’un qui ne se prend pas du tout au sérieux et cela se ressent dans son dessin qui frise la caricature, un régal pour les yeux. Même que voulant se plonger intégralement dans les années soixante il a terminé ses crayonnés à la plume et a colorié le tout à l’aquarelle, de la haute voltige comme au bon vieux temps ! Tout cela mis en musique par le scénariste Philippe Pinard, déjà auteur de Zone Rouge et de Ciel en Ruine, atout de Paquet mais côté Cockpit !
« Du Rififi chez les Yéyés » est donc une BD qui se lit avec plaisir, d’un trait et même qu’après on recommence pour s’amuser à retrouver toutes les allusions, références et hommages cachés au fil des pages.
Pour parodier Audiard : « Les bons ça ose tout, c’est à ça qu’on les r’connaît ! »
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J’adore les années 60 au niveau cinéma, musical, culturel… c’était foisonnant et j’avais envie de me faire plaisir , de raconter une histoire avec cette ambiance-là avec toute l’iconographie, le design farfelu, l’ameublement, l’émergence de la culture américaine qui commençait à prendre avec un design français.
J’ai posé les bases d’un story-board que j’ai présenté à Pierre (Paquet) - en temps que dessinateur j’ai mes limites scénaristiques - il m’a conseillé Philippe (Pinard) et on est tombé tout de suite sur la même longueur d’onde.
Raoul Scopitone est le limier des services secrets français qui étaient en terrain de se développer sous De Gaulle, le SDEC, tous ces gars qui avaient œuvré sous de Gaulle et avaient appris sur le ta, ces anciens maquisards qui ont appliqués les méthodes anglaises et américaines avec les moyens de papa. C’était le côté foireux de cette époque-là qui m’intéressait !
James Bond finit toujours en panache une mission qui se passe dans les pays tropicaux, j’ai voulu garder cette trame mais comme ce sont des espions français et que rien ne marche, ils foirent leur mission et leur prochaine est une punition, ils se retrouvent plongés dans l’univers yéyé en France.
Avec « Du Rififi chez les Yéyés » j’ai voulu changer du cent pour cent bagnoles de la collection Calandre, car je sais par expérience que les gens qui ont ce genre de bagnole épousent le même style de vie et écoutent le style de musique qui va avec, ils ont la collectionnite. J’ai proposé un autre univers : les Yéyés.
Même si c’est de la déconnade, le scénario les voitures et tout ce qui fait l’univers est hyper documenté, chaque objet est issu d’une recherche très poussée, le collectionneur s’y retrouve. Les années soixante, avec le recul tu trouves cette période super amusante !
Je me suis imposé comme défi, tant qu’à faire une bd sur cette époque là de la faire comme à cette époque-là. J’ai fait l’encrage à la plume, au pinceau, les couleurs en direct sur les ancrages noir et blanc à l’aquarelle. Avec zéro ordinateur, un gros boulot mais je suis content du résultat, il n’y a plus beaucoup d’albums fait comme cela !
Je ne me suis jamais pris au sérieux, à chaque fois que je fais une chose il faut que je m’amuse, les films de cette époque avec Lino Ventura, Francis Blanche, c’était des tronches caricaturales, les dialogues d’Audiard, je suis fan de Verneuil et je notais tous les bons mots que j’entendais dans un calepin.
Je suis un fan de Gil Jourdan, à qui je rend hommage, il y a des petites anecdotes qui parsèment l’album, le gendarme c’est Christian Marin que j’avais rencontré dans un festival pour la sortie du nouveau chevalier du ciel. J’ai croqué des amis à moi, des clins d’œil
Etant fan des bonus sur les DVD, je me suis amusé à faire un blog qui vient en bonus de la BD, une sorte de making of, l’historique les décors de film que j’ai repris comme le camion de 100000 dollars au soleil en page 1...
Raoul Scopitone, je l’ai imaginé à partir de Fernand Reynaud, avec une petite moustache en plus comme cela se portait à l’époque…
 
Du rififi chez les Yéyés, une enquête de Raoul Scopitone, agent secret par Lebrun et Pinard – Paquet coll. Calandre

JOHAN DE MOOR ET LE CHAOS ORGANISE


Bien qu’ayant le look d’Andy Warhol – Andy Waarom comme il l’apelle - Johan Willy De Moor est un fils de BD. Il est tombé dedans quand il était petit, avec son père Bob de Moor et son parrain Willy Vandersteen. Doué, il a faillit reprendre l’Alph’Art mais il s’est fait Quick et Flupke. Puis il emmêle Breughel dans sa ligne claire et crée Gaspard de la Nuit, devient plus caricatural avec la Vache… Il est aussi dessinateur de presse et son humour est corrosif.

Quand Johan fait de la peinture, cela reste de la BD… Ses toiles sont remplies de références et de phylactères pleins de mots et il y en a même qui mises bout à bout forment une histoire. Car Johan a beaucoup à raconter et comme il sait faire parler les images, il y a beaucoup à voir. Il peint à travers son œil atomic, truffe ses toiles d’allusions, mélange du Disney, de la ligne claire et des BD de bas étages dont la laideur fait leur beauté. Il nous fait des coups vache, emmêle le tout avec des petits personnages en plastique qui se baladent sur le bord du cadre, créant une dimension supplémentaire et il nous inonde avec des couleurs tapantes qui ne sont pas sans rappeler les toiles africaines. Cela fait tout à la fois penser à du Warhol, à du Lichtenstein, à du Breughel et du Magritte mais cela fait surtout penser à du Johan de Moor.
Pour le vernissage de son expo en compagnie de Al Balis, sculpteur flamand surprenant dont les œuvres, grandes pièces montées psichédéliques mettent en valeur les toiles de Johan et vice versa, De Moor avait prévu de faire son show, apparaître en combinaison et se faire décontaminer en direct mais à la place les invités ont été tous affublés de lunettes rouges.
Johan a promis d’organiser un « finissage »… Ca promet !

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© Yves Declercq Johan De Moor et Andy Waarom


La peinture c’est un problème différent que la BD, c’est une manipulation différente, loin de sa petite plume. La première toile, je l’ai faite sur ma table à dessin, bien à l’aise… Mais je me suis rapidement aperçu que ce n’était pas de la peinture, ça… que j’allais mettre 10 ans pour faire 3 toiles !
Il y a ce problème de couleur, d’acte tout court, la peinture est un acte différent. La BD, c’est un scénario et un dessin qui suit. J’aime bien avoir des dénominateurs communs, savoir où je vais, j’ai besoin de raconter une histoire… Je me suis dis : occupes-toi plutôt de peinture et moins de la finition du trait. Plus tard, après l’expo, si j’en fais une autre, j’irai voir quelqu’un. J’ai envie de faire de la peinture à l’huile.
La peinture, il y a une matière, je ne suis plus dans ma BD mais j’y reste malgré tout parce que je suis enfant de ça. Je suis fasciné par le mélange de références, depuis que je suis ket j’adore le pop art.
Un catalogue de Carrefour, je trouve ça plus beau que le Louvres. Je m’y ressource. Il n’y a rien de plus beau que de visiter un Brico, le graphisme de ces magasins, les couleurs et puis les mauvais sites d’internet, j’ai comme cela mille images par jour qui passent devant moi mais je dois sélectionner…
Je ne collectionne rien mais j’ai des tonnes de m… à la maison, rangés dans des boîtes… Je trouve cela fascinant, je tiens les catalogues du Aldi, c’est magnifique ! C’est beaucoup plus lu que la page deux du Soir ! La publicité par contre je suis triste pour eux, ils manquent d’imagination, tout est photoshopé, dans les années cinquante, les types pensaient beaucoup plus ! Tout cela me passionne ! Chouette, avec la peinture je peux un peu sortir de ce que je fais en BD, m’occuper moins du scénario, du découpage, de l’histoire. C’est inné à moi-même… j’ai appelé l’expo l’Oeil atomic à cause de la bombe atomique, cette épée de Damoclès qui pendait au-dessus de notre tête quand on était ket ! J’ai 59 ans, je suis né en 53, il y a eut la crise de Cuba, la guerre froide et puis Tchernobyl. On pensait que tout allait sauter ! Et finalement, ce qui nous a rattrapé c’est le réchauffement climatique !

Dans mes tableaux, je réinvente la ligne claire, Hergé et Jacobs se font décontaminer, je fais des séries de tableaux qui se lisent comme une BD, une histoire. Je suis le filleul de Willy Vandersteen et son influence a été forte… Les Bob et Bobette ont été mes livres de chevet, plus que les Tintin… Au niveau influence on garde tous les souvenirs de son enfance à travers ses lectures, comme dit Renaud « On n’y pense pas de temps en temps mais tout le temps » et plus on devient vieux, plus cela a une importance…
Tout se passe avant dix ans, on est comme des éponges et tout ce qu’on reçoit comme iconographie joue un rôle important dans notre magie, dans ce qu’on fait, qu’on soit dessinateur ou pas ! J’ai repris des dessins de livres de géographie dans mes tableaux, ils me fascinaient étant ket, ce n’était pas bien dessiné mais il y avait une atmosphère.
Dans la peinture, l’important est dans l’atmosphère.
Comme je ne sais pas faire de collages sur les toiles, je me suis dis que je pouvais créer une troisième dimension en ajoutant des personnages en plastique sur le bord des toiles. J’organise moi-même mon petit chaos, avec mon brol, il y a à boire et à manger !

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© Yves Declercq - Yslaire, Sterckx et De Moor


Petits Papiers Sablon : Johan De Moor et Al Balis : L’œil atomic et « anatomia de un instante » - du 9/5 au 2/6 (dans la crypte, vous pouvez découvrir le graphisme étonnant de Daniel Maja)

NOEMIE MARSILY A PROPOS DE FETICHE

Tout commence par un chevreuil qui finit sous les roues d’une voiture et ramené à la maison par un jeune garçon, lequel se découvre une soudaine passion pour la taxidermie. Des années plus tard, le gamin a assouvi sa passion mais se sépare contre son gré de l’objet de ses désirs, le chevreuil change de main et devient ce fétiche dont il est question dans le titre. Noémie Marsily nous livre sa première BD aux Requins Marteaux, un récit en quatre case la page entièrement réalisé au crayon de couleur, ou noir et blanc selon que ce soit le regard du chevreuil. Des histoires étranges, poétiques, sanglantes vont se dérouler, melting-pot fantastique si typiquement belgo-belge. Noémie nous offre un dessin tout en délicatesse, des couleurs sans trait, d’une grande vitalité et aussi empreint de poésie. Le récit est muet et l’auteure réalise un beau tour de force pour nous rythmer son histoire sans paroles et la rendre d’une lisibilité et d’une compréhension absolue.
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C’est un récit en plusieurs petits chapitres qui raconte l’histoire d’une tête de chevreuil empaillée… L’animal est d’abord vivant puis, une fois mort et empaillé, sa tête va voyager parmi différents personnages qui vont se l’approprier, cet objet particulier va changer en fonction des gens dont il va croiser la route…

L’inspiration m’est venue alors que chaque matin je passe par le marché aux puces de la place du Jeu de Balle. J’y vois souvent des têtes de biches, des pattes aussi, qui regardent le ciel, avec un regard bizarre, impuissant, de témoin de leur propre histoire...

FETICHE - NOEMIE MARSILY (LES REQUINS MARTEAUX)

CAUCHEMAR DANS LA RUE - DAVID SALA RACONTE

L’enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions. C’est ce qui va arriver à Kléber, un flic qui marche droit. Son existence bascule le jour où il a un moment de faiblesse et vient en aide à son ami Marc qui se trouve du mauvais côté de la loi. Prenant sa défense, il descend trois truands. Le lendemain, sa voiture explose, entraînant dans la mort son épouse Elénya qui était tout pour lui. A partir de là, Kléber va se consumer dans une vengeance aveugle…

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David Sala, illustrateur pour la jeunesse, ose un pari énorme et difficile en adaptant l’oeuvre de Robin Cook, auteur de polar anglais et non l’auteur américain de thrillers médicaux. Car ce livre est d’une noirceur totale et habité d’une force incroyable, un thème totalement inédit dans le domaine du polar, le grand amour.

Le personnage principal, Kléber, est loin d’être le cliché du flics cynique et désabusé qu’on trouve au fil des polars… au contraire c’est un être droit et fragile, fou d’amour pour sa femme. Lorsque celle-ci est déchiquetée par l’explosion de sa voiture son univers explose et il sera littéralement hanté, (sur)vivant entre rêve et réalité et sombrant chaque seconde un peu plus. Sa déchéance est habilement soulignée par le dessinateur, la plupart des pages sont très noires et bichromes à part quelques scènes choisies. Des pages bourrées de gros plans pour mieux marquer le visage de ce héros qui se décompose au fil des pages, un héros qui finalement n’aura même plus la force de se venger. Pas de happy end, alors…

Cauchemar dans la rue est un récit d’une rare intensité, habité d’une puissance visuelle peu commune, une grande réussite de David Sala !

La raison la plus évidente pour adapter Cauchemar était que je n’avais jamais lu un livre pareil, aussi le fait surprenant qu’un auteur noir comme Robin Cook a abordé le sujet de l’amour avec autant de poésie ! En général les auteurs de polar ont tendance à éluder ce thème là… Dés la première phrase du livre, je me suis dit que c’était le bon choix ! C’est une histoire d’amour absolu, sans cynisme pour un personnage aussi noir que Kléber, on se demande comment un auteur de polar comme Cook a pu oser faire ça. En plus, il a terminé son livre en lui donnant une issue fantastique, quasi mièvre, du Walt Disney, avec du vrai romantisme… L’auteur réunit tous les clichés du genre mais sort rapidement des sentiers battus du polar…

Les scènes de flash back, de rêves sont en couleur directe, faites à l’aquarelle et toute la réalité est sur un papier teinté à l’ordinateur – pour donner plus de velouté - un mélange de deux styles graphiques, les scènes de réalité sont au crayon.

J’ai pris des libertés sur le roman parce qu’il me semblait que c’était nécessaire, une grande partie du roman était sur la culpabilité et je devais le raconter en images, je traite donc de cet état mais différemment, j’ai jugé bon d’ajouter des scènes que j’ai créées et qui ne figurent pas dans le livre...

Il y a très peu de bulles, les images doivent se suffire à elles-mêmes. Mes images racontent autre chose que le texte et le texte se fait complément de l’image !

Cette histoire là je me devais de la faire seul, je ne pouvais la laisser à quelqu’un d’autre, parce que il y a une sensibilité qui m’est propre, c’est extrêmement personnel !

C’est ma vision, dés le début j’ai proposé un flash back et mon éditeur n’en voulait pas mais c’est une question de point de vue d’auteur, c’est mon point de vue. Je voulais démontrer d’entrée de jeu que le personnage principal avait un rapport étrange avec la mort… J’ai d’abord construit mon scénario, mon découpage, l’important était pour moi de raconter cette histoire avec la plus grande justesse, d’y apporter une énergie, un rythme. J’ai dû faire des choix et j’ai gardé ce qu’il me semblait être l’essentiel.

Il y a une influence de l’auteur, je reste fidèle à l’auteur mais quand on travaille sur des adaptations de romans, on fait des choses très personnelles, on se sert de la substance de l’auteur en y insérant des choses qui sont propres, le texte de l’auteur sert de base.

Souvent c’est le style qui donne de l’intérêt au livre mais quand on enlève le style et qu’on prend uniquement le récit, ce n’est pas suffisant, certaines adaptations ne sont pas assez bonnes parce qu’on a oublié de réinventer l’histoire. Quand on adapte un roman on va perdre le style de l’auteur et il faut compenser par autre chose. La littérature à une force d’évocation que la BD n’a pas. En BD on compense avec la force d’évocation en images, l’image raconte autant que le texte, l’objet BD n’est pas l’objet livre, ce n’est pas un copier/coller !

CAUCHEMAR DANS LA RUE - DAVID SALA & ROBIN COOK fait partie de cette excellente collection moyen format créée par Casterman en association avec la collection de polars édités par Rivages/Noir.

BARU "CANICULE" ou LE POUVOIR DES IMAGES


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Un immense champ de blé et un homme qui court. Il est aux abois, il vient de commettre un hold up, a doublé ses partenaires. Il enfouit rapidement la valise contenant l’argent dans un trou creusé dans la boue... Il a repéré une ferme et espère s’y planquer le temps que les choses se tassent… Il ignore qu’il se dirige droit dans un piège…

Lee Marvin, sa tronche burinée et son costard sombre, est la seule image dont n’a pas pu se débarasser le dessinateur Baru, ami de l’auteur du polar ; Jean Vautrin. Car il n’a jamais vu le film Canicule et n’a pas envie de le voir… Son amitié avec Jean Vautrin – vieux pote à Audiard, c’est vous dire les lettres de noblesse - est née au festival d’Angoulême, en 1990, lorsque celui-ci lui a remis l’Alph’Art pour Le Chemin de l’Amérique. La sauce a pris entre les deux gaillards et Vautrin lui a promis une nouvelle pour qu’il puisse en faire une BD, mais cela n’a jamais eu lieu. A la place, Vautrin a offert à Baru de piocher dans sa bibliographie. C’est comme cela que Canicule est né… Il en voulait un autre, de roman, mais déjà pris par Tardy… Selon l’auteur, nous aurons bientôt droit à une série : Vautrin par… L’homme recherche des candidats.

Quand on parcourt l’album on ne peut que s’arrêter sur la spontanéité des images et qui suffisent à elles seules. Baru aurait très bien pu se passer de bulles, tellement il est expressif. Faussement spontané car tout a été pesé et équilibré chez lui, en excellent homme de métier ! Je lui avais présenté mon album, imprimé à partir d’un pdf et la première page du récit se trouvait sur une page impaire. Baru m’a immédiatement expliqué pourquoi cela ne se pouvait, m’a montré le déséquilibre des couleurs et des images… Couleur directe et quelle couleur ! La canicule s’affiche à travers les images, la luminescence blesse les yeux, le jaune est agressif, se fait rayon de soleil, brouille la vue comme ces premières pages où les personnages ne sont pas surlignés…

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Et ce climat …

C’est un monde clos, de taiseux, cela sent la relation incestieuse, c’est renforcé par la cupidité et, parce qu’ils sont cupides, l’arrivée de Cobb va révéler ces gens à eux-mêmes. Cobb est le prétexte à l’expression totale de ce qu’il y a de plus fondamental dans l’humanité : sa méchanceté, sa lubricité… Ce qui m’intéresse chez Vautrin c’est que lui va dans des endroits où je ne vais pas, il a une manière d’aborder ces choses-là de façon à ce qu’au bout du compte on se pose des questions sur quoi on est capable. Je sais finalement que je suis capable du pire mais il faut cantonner ses pulsions dans un espace qui relève de l’impossibilité.

Particulièrement pour ce bouquin-là, la couleur est importante. L’histoire se passe en Beauce, pas loin de paris… C’est un pays très riche à cause des céréales, des champs de blé à perte de vue, c’est très plat. Quelques grosses fermes ici et là… Tu as envie de t’y pendre !

Il n’y a aucun intérêt à illustrer la littérature, c’est redondant puisque le verbe en soi est suffisant pour s’exprimer, alors pourquoi l’accompagner d’un dessin ? Je suis de moins en moins bavard dans mes histoires, la BD est une affaire d’images qui doivent parler par elles-mêmes, qu’elles fassent le travail de la narration…

 

SPIROU A 75 ANS ET S'EXPOSE AU CBBD

Spirou fête ses 75 ans cette année et le centre belge en profite pour revenir sur la carrière exceptionnelle de ce héros de BD qui passa de main en main, d’où le titre de l’expo. Le spectateur peut ainsi découvrir tous les auteurs qui ont mis la main à la pâte pour animer le groom du Moustic. Les commissaires de l’expo sont Jean-Claude de la Royère, grand archiviste et conservateur en chef du CBBD et feu Yvan Delporte.

Cette exposition date des années nonante et était destinée à être itinérante. Lorsque je l’ai reprise, j’ai continué dans le même esprit qu’Yvan, décrivant à chaque étape le nouveau dessinateur, pourquoi il a commencé et arrêté, son style, ce qu’il a apporté à la série… J’ai repris à partir de Tome et Janry et j’ai ajouté un espace Greg et Jidéhem, oublié par Delporte. Pourtant deux collaborateurs importants puisque Greg va inventer Zorglub et fournir d’excellents scenarii. Il va aussi participer à la création de Modeste et Pompon et leur fournir des personnages secondaires et des histoires… Quant à Jidéhem, il prête main forte à un Franquin débordé, à une époque il fait Modeste et Pompon, Gaston Lagaffe et Spirou, alors Jidéhem fait les décors et quels décors ! Franquin est certainement l’auteur le plus célèbre de Spirou, il va crée son environnement comme le village de Champignac, le Comte et surtout le marsupilami !

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Au départ Spirou, espiègle en wallon mais aussi écureuil dont il tient la tignasse rousse, est créé par Rob-Vel pour habiller un journal pour les jeunes. Lorsque celui-ci est appelé sous les armes, sa femme reprend le dessin ! Très rapidement Jijé, auteur vedette de Dupuis s’en occupe et il y collabore jusqu’à ce que Franquin, son élève, prenne la relève, ce qui donne parfois des planches dessinées par les deux auteurs qui jouent en quelque sorte au ping pong sans que l’un intervienne dans le dessin de l’autre !

Au départ Franquin doit respecter le dessin de Jijé mais il trouve rapidement son propre style. Il y a aussi Roba qui participe au scénario et dessine des décors et personnages secondaires. J’ai tenu à souligner le ras-le-bol de Franquin pour la série par des personnages de ses dernières aventures, ils sont énervés, colériques et le style est plus nerveux. C’est Fournier qui reprend la série et enlève l’uniforme de Spirou, au grand désarroi de l’éditeur qui voulait un personnage plus emblématique. N’empêche, il sera toujours vêtu de rouge ! Fournier tiendra onze ans et fera neuf albums dont les premiers avec Franquin car, celui-ci ayant gardé les droits du marsupilami il le rajoute lui-même dans les planches de Fournier ! Puis arrive un nouveau directeur, issu de Belvision, qui décide que la série doit être dessinée par un auteur de dessin animé. Ce sera Nic Broca, qui n’a jamais fait de BD ni de scénario qu’on demande à l’auteur maison : Raoul Cauvin avec néamoins certaines restrictions : il ne peut pas utiliser les personnages qui gravitent autour de Spirou, comme Zorglub, Champignac. Trois albums seront réalisés, des albums en quelque sorte hors-série...

Pendant qu’Yves Chaland réalise un hommage à Spirou où celui-ci retrouve son costume de groom, arrivent Tome et Janry, jeunes assistants de Dupa et qui travaillaient sur Achille Talon, comme on le verra dans les premiers dessins. La série passe de la fantaisie et l’humour au réalisme et même à la fin un album très réaliste qui ne rencontrera pas le succès escompté. Dans l’expo on peut voir une planche de l’album suivant, resté inachevé (huit pages) : Zorglub à Cuba, dessiné dans un style qui se rapproche plus du nouveau personnage créé entretemps par nos deux compères : le petit Spirou.

Spirou connaîtra une interruption de 5 ans, Tome et Janry faisant du Petit Spirou, une première dans la BD franco-belge, inspiré d’un faux oncle Paul racontant la jeunesse de Spirou. Morvan et Munuera reprennent la série dans un esprit américain et manga, un style très dynamique et élastique. Ils seront remplacés par la nouvelle équipe Yoann et Velhman…

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Un espace est également consacré aux hors-séries avec des planches de Yoann et Velhman très second degré, de Frank Legall, aucune de Tarrin puisque toutes vendues, Emile Bravo, Schwartz et Yann, Parme et Trondheim dont il n’y a pas d’original puisque fait à l’ordi. Un autre espace est consacré aux hommages avec des illustrations de René Follet, Daniel Goossens, Séverin, Lapone et Serge Clerc ainsi qu’aux prochains Spirou hors-série qui devraient paraître, notamment de la main de Marc Hardy, Alec Séverin, Fabrice Lebeault et Benoît Feroumont…

A la lumière de cette expo et de ses planches exceptionnelles, Spirou et Fantasio ont toujours la patate, tout comme le magazine qui leur est consacré et qui aura sous peu un petit frère numérique, progrès oblige, intitulée Spirou Z.

Z comme Zorglub…

Spirou de main en main au CBBD du 23 avril au 6 octobre 2013
La première photo est de moi : J-C De La Royère, la deuxième de JJ Procureur : tous les auteurs de Spirou, à vous de deviner qui est qui ?

EL SPECTRODIER - L'INTERVIEW

Comment est né El Spectro ?

-De mon amour pour les films kitchissimes d’El Santo! C’était un vrai catcheur mexicain qui a tournée dans plus d’une soixantaine de films entre 1950 et 1980. Il y combat tous les monstres du répertoire classique, allant de Dracula à la fille de Frankenstein, en passant par la bru du Loup-Garou et le beau-frère de la Momie! Je rigole, mais ses films sont à peine moins ridicules que ça! Bref, j’ai voulu réaliser, en film, une courte aventure d’El Santo en 2005. J’ai demandé à mon ami Frédéric Antoine de m’aider au scénario et ça a été une collaboration très agréable! Fred et moi sommes sur la même longueur d’onde et nous nous sommes beaucoup amusé sur ce projet, même si au final le film n’a jamais été tourné... Quand, en 2009, nous cherchions un sujet pour créer une nouvelle série BD mettant en vedette un personnage bien typé, iconique, sportif et baroudeur, Fred a repensé à notre scénario. Plutôt que d’adapter El Santo en BD, nous préféré créer notre propre “luchador”,inspiré du modèle original mais nous laissant les mains libres pour l’envoyer dans toutes les directions que nous imaginerons en cours de route!
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 Pourquoi un style graphique rétro 50, comment en es-tu arrivé-là ?

-C’est un choix autant esthétique que scénaristique. Tout avait plus de gueule à cette époque, les voitures, les décors, les vêtements, et même les visages! Ça, c’est pour l’esthétisme. Du côté scénaristique, ça ouvre plein de possibilités! Tu peux faire une vrai de vrai méchant, “méphistophélique” sans que ça paraisse ridicule! Dans le contexte des années 50-60, les archétypes passent bien. Et aussi, nous nous sommes vite aperçu que l’aventure classique est difficile à élaborer dans le monde d’aujourd’hui. La technologie qui simplifie notre vie de tous les jours rend difficile de se perdre au milieu de la jungle, ou du désert. Avec les satellites, aujourd’hui, il n’existe plus de terre inexplorées.


Quels sont auteurs qui t’ont influencé ?

-Aie aie aie! Il y en a beaucoup! Bien entendu, il y a Franquin, Tillieux, Jijé, Walthéry, Jidéhem et toute l’école de Marcinelle. Mais aussi Hergé, Jacobs, De Moor, Crahenals, Graton, Weinberg et toute la bande du Journal Tintin que je lisais beaucoup, étant petit. Chez les américains, il y a John Romita Sr. (Spider-Man), Jack Kirby (tout l’univers Marvel), Jack Davis, Dan deCarlo, Bruce Timm, Frank Cho, etc... J’en passe et j’en oublie! Chez les Espagnols, José “Pépé” Gonzalez (Vampirella) et F. Solano Lopez (L’Oeil de Zoltec) m’ont énormément marqué... Mais il y a surtout, à l’égal de Franquin chez les dieux de la BD, le grand Uderzo qui, avec ses 8 albums de “Tanguy et Laverdure”, a réussi à créer la BD la plus parfaite que je connaisse! Un subtil mélange de réalisme ultra documenté, de personnages semi-caricaturaux et de mouvements très appuyés, qu’on voit surtout dans les BD humoristiques. Je pense souvent à ses Tanguy et Laverdure quand je dessine El Spectro... Mais maintenant, je laisse toutes mes influences se mélanger et créer leur propre chimie, au lieu de les canaliser très fort sur un style ou un auteur à la fois, comme à une certaine époque quand je dessinais du Tintin en m’efforçant de devenir Hergé...


Cette histoire d’Alph’Art, tu ne vas pas traîner ça comme un boulet tout le restant de ta carrière ou au contraire cela t’a servi ?

-Ça m’a servi, c’est certain. Si ce n’était de Tintin, j’aurais sans doute eu beaucoup plus de difficulté à faire connaître mon nom dans le milieu de la BD... Mais je ne me fais pas d’illusion, dans notre “couple”, c’était Tintin, la vedette! Quand quelqu’un me montre mon album traduit en iranien, ou ma couverture de “L’Alph-Art” en plaque émaillée au Cambodge, je sais que je n’y suis pour rien! Les gens veulent du Tintin! Que ce soit de la main d’Hergé, Harry Edwood, Régric ou la mienne, ils s’en fichent!... À la longue, c’est effectivement un peu devenu un boulet. Ça me touche quand je vois des gens faire la queue avec un truc de Tintin que j’ai fait il y a 20 ans... Mais je dois leur expliquer que si je traverse l’Atlantique pour venir en Europe, c’est pour faire la promotion de mon travail. Et Tintin n’est pas mon travail. Ça ne l’a même jamais été! Je ne renie pas ce que j’ai fait, mais je suis passé à autre chose depuis longtemps.

 

Pourquoi plus de Simon Nian ?

-Parce que je m’ennuyais à dessiner des rues de Paris, des festival de BD, des librairies et des galeries. Je ne suis pas un dessinateur urbain. Je rêve d’aventures et d’exotisme! Et Simon Nian, c’était de la parodie. On en a vite fait le tour. De plus, comme je devais coller au style de Tillieux le plus fidèlement possible, je me sentais à l’étroit dans ces limites très définies, sans possibilité d’explorer graphiquement le style et le laisser évoluer... C’est pourquoi j’ai créé El Spectro avec Fred, une série avec des possibilités infinies qui me correspond beaucoup mieux. C’est vraiment la somme de tous nos champs d’intérêts, en BD, films, design et histoire!


L’accueil de El Spectro 2 est très positif, un libraire était enchanté parce que grâce à ta couverture spectaculaire, cela se vendait comme des petits pains aussi auprès des amateurs de bagnoles, ne serais-tu pas tenté de revoir la couverture du tome 1 ?

-Oh, si tu savais! Je casse sans arrêt les oreilles de nos éditeurs du Lombard depuis sa sortie en 2011! Je n’ai jamais été satisfait de la couverture. Les couleurs sont sorties complètement écrasées, et la maquette manque de “Oumph!” J’avais proposé plusieurs maquettes de style plus vintage avant celle qu’on m’a finalement imposée. On ne saisissait pas bien, au Lombard, qu’avec Spectro il faut aller “vintage” jusqu’au bout! Ce qu’on a enfin pu faire avec la couverture du tome 2!


Apparemment tu te revendiques de l’école de Marcinelle de par ton style mais tu rends aussi hommage à Jean Graton. Son style était plutôt très raide, non ? Ou son style n’a pas d’importance mais tu apprécies Michel Vaillant ?

-C’est vrai que son style graphique a un peu mal vieilli de par sa raideur, mais bon sang! Quelle rigueur dans la documentation! Et Graton arrivait superbement à rendre l’ambiance fébrile de la foule, il y a des gens PARTOUT dans les BD de Michel Vaillant! Ce n’est pas si évident à faire, surtout à le faire aussi bien! Il y a énormément de bonnes choses dans les albums de Graton! Pour ma part, je préfère ceux des années 60. Et les relations entre les personnages sont vraiment intéressantes! Il y a une recherche psychologique assez poussée, ce qui n’était pas du tout courant à l’époque! Je ne sais pas si on a poursuivi dans cette veine, surtout depuis que son fils a repris le flambeau, car je ne lis plus les nouveaux albums depuis longtemps...

Que penses-tu de toutes ces séries qu’on reprend (Blake & Mortimer, Spirou, bientôt Bob Morane, Michel Vaillant) tu ne trouves pas que si on a arrêté de les faire c’est parce qu’elles avaient vécu leur vie ?

-Je ne sais pas... En fait, je pense que certaines séries se prêtent mieux à la reprise que d’autres... Si Spirou a merveilleusement supporté le passage de ses différents auteurs, même après Franquin!... c’est qu’on a continué à faire évoluer la série et à la doter de nouveaux personnages, de nouvelles intrigues sortant des cadres de ce qui avait été fait avant. Je pense que l’erreur dans la reprise, est de “singer”l’auteur original. Mais il y a des créateurs qui ont imprégné toute leur Oeuvre avec leur personnalité, comme Hergé, Jacobs, Peyo... Il serait impensable de voir les Schtroumpfs dessinés dans un autre style. Blake et Mortimer, et Tintin, pareil. Ça ne deviendrait que des parodies, puisque toute l’oeuvre est d’un même style... Mais ce faisant, les repreneurs sont condamnés à rester prisonniers d’un univers qui n’est pas le leur, ne pouvant faire évoluer ce petit monde dans une direction qui leur serait plus personnelle, telle que Franquin pu le faire avec Spirou... C’est dommage, mais c’est ainsi. Je crois que, dans ce cas, tant qu’à ne restituer que ce qui a déjà été fait avant par le créateur original, il vaut mieux ne pas poursuivre cette oeuvre. Ça ne lui apportera rien de nouveau, et autre que commercial, je n’y vois aucun intérêt...


Je te verrais bien reprendre Tif et Tondu ? Et pourquoi pas Gil Jourdan ?

-Encore là, comme je le disais, l’intérêt n’en serait que commercial, je pense... La reconnaissance du nom de ces séries est telle qu’aujourd’hui le succès serait forcément au rendez-vous, mais comment peut-on s’imaginer faire aussi bien, ou mieux, que Will et Tillieux? Pourtant, si on ne croit pas qu’on peut faire aussi bien, ou mieux, et si on ne nous permets pas de faire différemment de Will et Tillieux, ça ne vaut pas la peine de s’y essayer. Je ne pense pas que je ferais mieux qu’eux, et j’imagine mal qu’on me laisserait faire différemment. C’est pourquoi je préfère créer des personnages dans la lignée de ces héros classiques, comme Simon Nian et maintenant Spectro, et avoir les coudées franches pour créer un univers sans avoir à porter d’œillères.


Un talent comme le tien, c’est inné ou cela a demandé du travail ?

-Ahah! J’aimerais tellement que ce soit inné, mais déjà, je ne crois pas tellement au“talent”!... Non, je crois en l’aptitude, et si on reçoit les bons encouragements assez tôt, on a la chance de développer cette aptitude... Rien ne vient tout seul! J’avouerai cependant que j’avais une prédisposition pour ce travail. J’ai encore chez moi ma première BD réalisée à l’âge de 4½ ans!... Depuis aussi loin que je me souvienne, j’ai voulu faire, et j’ai fait de la BD. Mais ce qui est merveilleux, c’est qu’on évolue à notre insu, sans avoir l’impression d’y faire quelque chose! Il faut lire les “Maîtres”, essayer de comprendre ce qui fait que telle BD est si réussie, quels sont les rouages qui font qu’elle fonctionne si bien, puis faire de la BD en essayant d’appliquer ces principes. Mais non, ce n’est pas inné... je travaille beaucoup, me questionne énormément, et recommence encore plus!

La troisième aventure d’El Spectro se déroulera dans le bayou. L’homme sera-t-il toujours confronté au fantastique ?

-Toujours! C’est le propre de l’Univers de Spectro! On ne le surnomme pas “El Fantasma Escarlata” (Le Fantôme Écarlate) pour rien!

 

N’as–tu pas peur de reperdre le lectorat gagné par la luminosité de Trans-Amazonie à cause d’une histoire trop sombre ?

-Pas du tout. C’est une histoire différente tout simplement. Il est hors de question de nous mettre à taper toujours sur le même clou! Le monde de Spectro est large et nous avons bien l’intention de l’explorer en compagnie de notre héros, que ce soit dans le bayou, dans les Andes, sur la Trans-Amazonie ou dans la savane africaine! C’est ce qui fait la beauté d’un personnage comme El Spectro, il n’est pas enchaîné à un style d’aventure particulier. C’est un peu un Bob Morane qui porte un masque!“Le Monde est son Royaume” et les lecteurs de Bob n’ont jamais rechigné à le suivre de la cité souterraine de l’Ombre Jaune à la Vallée des Brontosaures!


Ne t’as t-on jamais proposé de faire du comics avec El Spectro qui semble être le personnage parfait pour ce genre ?

-Pas encore! Mais de toute façon, lent comme je suis, je n’arriverais jamais à dessiner 22 pages en un mois!!!

https://www.facebook.com/pages/El-Spectro-la-BD-page-officielle/256734397697771

 

WHITE CUBE - Brecht Vandenbroucke dans le lard de l'art

Brecht Vandenbroucke nous vient du nord du pays après avoir fait ses études de graphisme à Saint Luc Gand. Il a remporté en 2009 le 2ème prix du concours Fumetto qui lui consacré une exposition. Vandenbroucke, c’est un style original. Il réalise des peintures acryliques et les réduit pour en faire des planches BD, un véritable tour de force dans un genre qui qui tend vers le vite fait bien fait, quitte à abuser d’informatique. Il trempe ses pinceaux, nous baigne dans un univers fait de couleur criardes et basiques… Son humour est volontiers poétique mais aussi britannique ou absurde, des histoires sans paroles où tout est donc dans l’image… Avec White Cube, Vandenbroucke nous propose de revisiter la peinture, qui se dit ou se veut moderne et d’y jeter un regard à travers ses deux personnages, des jumeaux façon Tondu et Tondu qui ont une opinion sur tout, reflet exact de notre société à présent pilotée par des réseaux qu’on qualifie de sociaux et qui fonctionnent à grands coups de pouce levé ‘j’aime’ ou inversément ! Nous voilà constamment soumis au jugement de tout un chacun comme des chrétiens jetés dans l’arêne aux lions… L’ère du paraître… Et ces deux-là ne vont pas se gêner !

 

White cube est à propos de la critique de la critique, les personnages principaux sont deux jumeaux, que j’appelle les « esthetic critics », parce qu’ils « poucent » pour un oui ou pour un non, à la manière de facebook, où chacun « aime » ou « n’aime pas », où chacun donne son opinion, livre des commentaires sur tout et sur rien. White cube est le nom d’une galerie d’art à Londres, une galerie avec des murs blancs pour qu’on soit aussi objectif que possible par rapport aux œuvres exposées, sans subir l’influence du monde extérieur, pour avoir une conscience totale de l’œuvre. Mes « esthetic critics » font la tournée des musées, des galeries et ont à chaque fois une opinion, aussi une opinion très relative parce que le monde de l’art peut parfois être d’un sérieux !

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C’est de l’humour flamand qu’on compare généralement à Herr Zeele et Kamagurka, mais je n’y fais pas attention, j’essaye d’être moi-même, le plus marrant possible, si je suis content c’est  déjà bien. Mais il n’y a pas que cet humour, il y a aussi de la poésie comme il y a des choses plus hard. En tout cas, c’est très dur de faire rire les gens.

J’ai fait tous mes dessins à la peinture acrylique et j’ai même réalisé tout le lettrage. J’ai bien essayé de faire cela à la peinture pour mes dédicaces mais ce n’est pas évident !

Non, je ne suis pas inspiré par quelqu’un en particulier, j’ai terminé mes études de graphisme à Saint Luc (Gand) il y a cinq-six ans, j’avais un certain Ever Meulen comme professeur. Apparemment on apprécie mon style graphique car je travaille pour des journaux, des magazines, j’expose, je fais beaucoup de choses…

Cette édition « Bries » est assez limitée mais c’est un bel objet, je voulais absolument une couverture cartonnée, dans le genre des Tintin que je feuilletais étant plus jeune, un objet qui soit beau dans une bibliothèque. Le livre sera republié plus tard par Acte Sud, un éditeur français qui n’a eu aucune difficulté à le traduire puisqu’il est sans paroles !

TED BENOIT EN SCENE DE LA SENNE A LA SEINE

Thierry – alias Ted – Benoit aime jouer avec la clarté et l’obscurité. Swarte, un dessinateur dont le nom se traduit par noir l’initie à la ligne claire, puis elle se trouble en n’étant plus si claire que cela avant de gagner l’obscurité et de revenir. Ted Benoit aime l’absurde qu’il a conjugué au fil de ses histoires. Camera Obscura, sous-titré Vers la ligne claire et retour en est un exemple…

Ce n’est pas une intégrale, il n’y a pas les choses essentielles, j’ai mis tout ce qui était en train de disparaître et qu’il fallait rappeler, des livres qui ne sont plus réédités, qui ne sont plus disponibles. C’est un genre de best of, j’ai surtout choisi des choses auxquelles je tenais beaucoup et j’ai tout mis en perspective tout en respectant l’ordre de parution… J’ai toujours fait peu de BD, j’ai dis que je voulais dessiner quand cela m’amusait…

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Son (anti)héros le plus connu est l’ineffable Ray Banana, qui promène sa nonchalance dans des histoires souvent insensées voire incohérentes. Mais l’homme qui ne transpirait pas a disparu depuis quelques décennies…

Ray Banana continue à philosopher sur la toile, car je tiens toujours à lui, il m’accompagne depuis le début, il m’intéresse toujours et il est l’antinomie d’un philosophe…

Ray Banana, c’est un peu Clarke Gable physiquement mais pas trop, il est venu comme ça… Quand j’étais petit, mon père me parlait du mot rastaquouère, qui vient de l’espagnol « traîne cuillère », ces chevaliers désargentés, des aventuriers dont on ne sait pas trop d’où ils viennent, Banana est un rastaquouère, c’est comme ça.

Mais Ted Benoit, c’est surtout un bouquin essentiel qui secoue les fondations de la BD en 1981 : Vers la ligne claire. Pour la première le travail d’Hergé, de Jacobs et qui les ont inspirés comme St Ogan et McManus et « nommé » et Ted Benoit s’impose, avec Joost Swarte, comme le chef de file de la « nouvelle » ligne claire…

La ligne claire, c’est moi qui l’ai nommé comme cela en français. Swarte avait inventé les mots Klare lijn pour nommer un de ses catalogues lors de l’expo Hergé à Amsterdam. Il m’a guidé vers la ligne claire, je l’ai connu via Charlie Mensuel dans les années 73/75 et je trouvais sidérant de le voir dessiner comme Hergé mais des histoires tellement différentes !

La ligne claire a un côté commercial, je suis connu pour cela, cela correspond à mon parcours, cela accroche l’éditeur. Swarte et moi nous sommes rencontrés quand j’ai fait ma BD « Vers la ligne claire »… La couverture a un côté très soviétique car je viens d’une famille communiste et je trouvais que le terme avait un côté politique plutôt qu’artistique. Dans un bouquin sur Lénine j’avais lu qu’il avait la « ligne juste » par rapport aux autres, ligne juste - ligne claire, il y avait quelque chose de semblable.

Je suis de la deuxième génération de la ligne claire avec des gens comme Swarte, Chaland car si le dessin est ligne claire, les histoires et la façon de les raconter sont très différentes. Je n’ai jamais compris la différence entre la ligne claire et le style atome qui vient plutôt de l’école de Marcinelle. J’ai toujours été du côté Tintin. C’est Chaland qui m’a appris à dessiner au pinceau et je dessine encore au pinceau - J’ai réalisé les deux Blake and Mortimer de cette façon mais les fonds de décors sont à la plume. Le pinceau est très agréable, mais difficile à maîtriser…

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(Ray Banana envahi par une bande de paparazzi-relégué au second plan, Shesivan rit jaune mais voit rouge...)

Pourtant, lorsqu’il débutera dans la BD son trait est influencé par des Giraud, Tardi qu’il a vu défiler dans les pages de Pilote, mais aussi l’américain Crumb. Ted Benoit se cherche, tout en consommant déjà cet humour si monty pythonesque. Ted Benoit a quand même fini par trouver…

Quand j’ai commencé j’étais surtout attiré par l’underground américain, des types comme Crumb qui donnaient une liberté de dessiner et j’ai beaucoup recopié pour apprendre, du Jacobs, du Giraud… pour comprendre comme cela se faisait ! Quand je me suis à faire mes propres dessins, je me suis rendu compte que ce qui compte n’est pas la façon d’encrer mais le dessin au crayon qui est en dessous, c’est là où cela se construit, que le dessin marche ou ne marche pas… Il ne suffit pas d’avoir un beau trait de pinceau pour être Giraud !

La première fois que je suis venu à Bruxelles c’est pour l’émission sur Hergé et Tchang, j’étais un petit jeune et ensuite j’ai été le voir avec Swarte et Vermeulen, nous venions en pèlerinage et plus tard le studio Hergé a mis un de mes bouquins en couleurs…

Camera Obscura est le moyen idéal pour initier ceux qui voudrait connaître Ted Benoit, à Ted Benoit. Il a été invité à commenter ses actes et s’y prête avec beaucoup d’humour, de distance et évidemment une certaine nonchalance…

Pour reparler de Camera Obscura, j’ai fait tous les écrits, je ne voulais pas faire une autobiographie, j’ai gardé un côté Ray Banana !

En plus et c’est rare, Ted Benoit, s’expose afin que nous puissions admirer ses dessins en live et en grandeur nature, car c’est un perfectionniste et un maître. Ce n’est pas pour rien que Jean Van Hamme a fait appel à lui pour générer les nouvelles aventures de Blake et Mortimer. Pour beaucoup l’Affaire Francis Blake reste le meilleur ouvrage de cette seconde génération ! Il y a dans ses pages quelque chose de spontané qu’on ne retrouvera plus par après. Malheureusement, Ted Benoit s’abstiendra d’un troisième opus. Trop lent, qu’il dit. Mais bon, c’est un perfectionniste et vitesse et perfectionnisme sont des antinomiques

En ce qui concerne mes expos conjointes à Bruxelles et à Paris, il n’y a aucune différence dans le matériel exposé, il a été réparti entre les deux localisations. Il y a un peu plus à voir à Paris car c’est plus grand, c’est tout…


 

Pour continuer à suivre les activités de Ted Benoit :
http://metropolisjournal.blogspot.be/

Pour continuer à supporter les bétises de Ray Banana :
http://lespenseesimprobablesderaybanana.blogspot.be/


 
Pour tout savoir sur l'expo Ted Benoit :
http://www.galeriechampaka.com/#

 

Ted Benoit : CAMERA OBSCURA vers la ligne claire et retour est un ouvrage édité par Champaka et une double exposition aux galeries du même nom, à Paris (Beaubourg) et Bruxelles (Sablon)

(Pour les photos, un grand merci à Yves Declercq et Jean-Jacques Procureur)

le psychédélisme finlandais de Tommi Musturi

Chef de file de la bande dessinée et de l'édition indépendante finlandaise, Tommi Musturi, publié en français par la 5ème couche, exerce son art tant comme artiste qu’auteur de Bande Dessinée, illustrateur et graphiste. Il est aussi éditeur à ses heures et commissaire d’exposition. Autour de lui gravite absolument tout ce qui se fait de neuf en Finlande, en matière d'art plastique, d'édition, de bande dessinée.Une œuvre protéiforme dictée par une totale liberté stylistique. Il a publié une quinzaine de livres dans son pays, ainsi qu’au Portugal, en Allemagne, en Suède et en Amérique du Nord.

L’attitude des finnois vis-à-vis des BD est très différente qu’en Belgique, celles-ci paraissent essentiellement dans les journaux et sont essentiellement humoristiques. Les Finnois pensent que la bande dessinée est faite pour les enfants, ils sont plutôt troublés par mon travail.

Sa série-phare, M. Espoir est une série en cinq tomes écrite comme une histoire sur la vie et la mort. Il y aborde les questions de l'existence : l'individu, la solitude, la nature et la liberté. Il propose une esthétique proche de la tradition de la ligne claire. Dans Sur les pas de Samuel, récit muet, philosophique, psychédélique et métaphysique, Tommi Musturi décrit le périple d’un individu surgit d’on ne sait où, juste après la naissance de l’univers. Il traverse les saisons, les continents, les cataclysmes de toutes sortes, le plus souvent cosmiques.

Après Monsieur Espoir j’ai commencé a dessiner ce personnage sans mettre de commentaires mais en essayant de lui faire exprimer ses sentiments par ses attitudes corporelles. J’ai passé quelques temps en Afrique et j’ai combiné mon expérience vécue là-bas avec mes dessins. Je voulais que ce soit assez abstrait en créant une histoire abstraite, plutôt cunéiforme tout en laissant la fin de l’histoire ouverte. Samuel n’est intéressé que par lui-même et traverse toute l’histoire sans se rendre vraiment compte de se qui se passe autour de lui.

Ici, le style graphique est très épuré mais richement mis en couleur.

Je dessine à la main et je fais les couleurs avec des feutres, chez moi les couleurs sont porteuses de beaucoup d’émotions…

À côté de ces deux projets en ligne claire, Musturi se permet de réaliser des livres à l’antipode de cette esthétique comme Automia Kis Kis qui propose des images, tirées de ses carnets de croquis, dans un style totalement pictural et éclaté ou Italo Sport, un détournement pop avec une esthétique des publicités des années soixante, ou encore Concrete floor qui propose des dessins saturés. Il expérimente continuellement de nouveaux styles dans différents genres artistiques, et se réinvente sans cesse.

Dernier ouvrage en date, Beating propose des illustrations réalisées tout au long de sa carrière, dessins libres, psychédéliques et saturés de couleurs, une sorte de catalogue de papier peint sous acide ! L’illu de couverture nous offre une idée du nouveau style qu’expérimente l’auteur, une sorte de ligne claire ou style atome proche du cubisme.  Musturi occupe une place prépondérante dans l’esthétique de toute une génération de dessinateurs finnois mais aussi dans la BD en tant qu’explorateur du graphisme sous toutes ses formes.

Je lis de la BD depuis que je suis enfant, j’ai beaucoup lu les classiques belges et français, les américains aussi. Charles Burns, Didier Comès m’ont inspiré dés mes débuts. Je ne travaille pas vraiment avec un scénario établi, plutôt une sorte de plan que je respecte ou pas selon mon gré et que j’ai envie de développer plus intensément une partie de la trame…
Quand j’avais seize ans j’ai réalisé pas mal de dessins que je revendais aux tatoueurs comme modèle et quelques années plus tard, un jour que je regardais le catch sur une chaîne de sport j’ai eu la surprise de découvrir qu’un des catcheurs sur le ring portait un de mes dessins tatoué en grand sur son dos !  

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L’exposition Tommi Musturi sera accessible au public du 11 au 28 avril 2013 à la Galerie Petits Papiers Sablon.

 

 

MARC HARDY ET PIERRE TOMBAL, TRENTE ANS D'HAPPY TAF !

Voici trente ans que débarquait un fossoyeur dans les pages de Spirou, Pierre Tombal le bien nommé, un peu comme un mariage, pour le meilleur – l’accueil des lecteurs - et pour le pire - la bête noire de monsieur Dupuis qui n’osait pas virer cette série qui rencontrait un tel succès.

La notoriété de Pierre Tombal n’a cessé de grimper au fil des années et le public s’est habitué à le voir hanter les travées mal entretenues de son cimetière, car notre homme est moins enclin à l’entretien des parterres qu’à philosopher avec les défunts et même la mort en personne, le corps arcbouté sur le manche de sa pelle.

Une série où il nous est paradoxalement interdit de mourir de rire et qui après trente ans d’existence vaut bien qu’on l’expose en grandes pompes (funèbres) au CBBD…

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Photo JJ Procureur

Les dernières paroles de Marc Hardy :

Je connaissais Raoul Cauvin depuis une dizaine d'année. Il hantait la rédaction de Spirou mais nous n’avions aucun projet ensemble car il n'aimait pas trop mon dessin, qui lui paraissait à l’époque trop nerveux. Quand on s’est décidé à travailler ensemble, sans trop savoir sur quoi, il m’a demandé de lui fournir un paquet de croquis, du genre réalisés sur un coin de table. Il a pioché dedans et cela l’a inspiré pour créer Pierre Tombal, bien que j’ignore encore si c’est lui ou moi qui l’ai créé ! Quand nous avons annoncé ce projet à propos des aventures d’un fossoyeur à notre rédacteur en chef, il nous a dit de foncer et quand l’éditeur a vu le résultat il a dit de tout stopper ! A l’époque c‘était encore la famille Dupuis… Mais quand il a vu le courrier qui entrait en faveur de la série, il nous a fait continuer mais pendant trois ans nous n’avons pas eu droit à une sortie en album, chose qui est arrivée après le rachat des éditions !

Pierre tombal a évolué en trente ans, j'ai récemment rajouté le personnage de la vie et depuis son arrivée, les lecteurs s’attachent à la mort ! Ils me le demandent de plus en plus lors de séances de dédicaces !

Si cela continue comme cela nous en ferons un spin off !

Dans les premiers albums Pierre tombal avait une épouse, une femme très laide qui a fini par disparaître… Nous avons tenté de trouver une histoire expliquant cela mais rien de vraiment concret, alors Tombal la recherche de temps en temps, sans vraiment la trouver… Un de mes personnages préférés est ce squelette qui se trouve accroché dans la classe de science d’une école et qui est raide amoureux de l’institutrice, de ce béguin d’écolier que nous avons tous connu !

Avec Raoul Cauvin il y a un clivage scénariste/dessinateur, parfois je lui refile des idées qu'il prend ou qu’il délaisse mais aussi, quand je ne ressens pas certains scenarii, je ne les fait pas…

Quand j’étais gamin j’habitais en Afrique et je dévorais les aventures de Bob Morane. J’ai noirci un bon paquet de pages de dessins, lesquels sont tombés sous les yeux d'un membre du club Bob Morane qui a averti Henri Vernes. Le club voudrait en publier un livre mais comme ce ne sont pas des histoires entières, j'ai fait plein de petits textes explicatifs… Une chose qui m’a frappé dans ces dessins, à cette époque je faisais des très grandes mâchoires, alors qu’à présent je dessine des gros nez comme Pierre Tombal !

Je suis en train de dessiner un Spirou sur un scénario de Zidrou, un Spirou très noir, il n'y aura pas d'humour... Malheureusement en 4 ans je n'ai réussi qu'à faire 4 pages. J'ai brûlé toutes les autres car je trouvais que le Spirou que je dessinais ne lui ressemblait pas et je ne voulais pas continuer sur cette voie quand on n’a pas le feeling du personnage....

Je ne me suis jamais posé la question si je vais encore pouvoir continuer à produire des Pierre Tombal pendant trente ans… Ma vue a tendance à baisser, au début je faisais mes dessins sur du papier format A 4, à présent j’en suis au format A 3 ! Je ne sais pas si quelqu’un sera tenté de reprendre Pierre Tombal ou en aurait envie, mais en attendant tout va bien !

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http://www.cbbd.be/fr/expositions/la-gallery/pierre-tombal-des-os-et-des-bas
 

ESPANA LA VIDA L'INTERVIEW

1937. Picasso révèle au monde toute l’horreur de Guernica. À Paris, Léo fait partie d’un petit groupe de jeunes anarchistes troublés par l’actualité espagnole. Issu d’une famille bourgeoise, il décide d’aller se battre, encouragé par l’écrivain militant Victor Serge. Tel un fugitif en cavale, il gagne Saragosse et y rejoint la colonne Durruti, une brigade internationale où se retrouvent, engagés aux côtés des républicains espagnols, des combattants idéalistes de tous les horizons de la planète…

Malgré son nom, le dessinateur Eddy Vaccaro n’est pas espagnol mais bien français d’origine sicilienne. Venant de la musique rock il en est à son quatrième album. Quant à Maximilien Le Roy, scénariste engagé, globe trotter depuis ses 18 ans, il place l’improbable Sur les traces de Nietsche chez Lombard, coincé entre la famille Thorgal et le génie Léonard. C’est vous dire si il a du talent !

Ensemble ils ont créé ce one-shot épais dont la guerre d’Espagne n’est que la toile de fond, dépeignant les actions de ce jeune héros qui veut aller jusqu’au bout de ses idées et se rendra bien vite compte que la réalité est bien cruelle par rapport à sa droiture et ses valeurs. Une histoire romantique également puisque Léo rencontrera l’amour mais aussi la considération de son père qui a enfin ouvert les yeux et s’est détaché de sa matrone/bourgeoise coincée de mère. Le trait de Vaccaro est un crayonné brut superbement mis en valeur par Anne-Claire Jouvray, la coloriste qui, c’est une bonne surprise, figure avec les auteurs sur la couverture. Un récit fluide et scandé qui alter avec bonheur moment calme avec dialogues ciselés et pages d’action où la violence éclate et éclabousse par sa cruauté.

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La guerre d’Espagne est un sujet que je ne connaissais pas trop étant donné que je n’ai pas de racines espagnoles mais une culture méditerranéenne. J’y vois un intérêt politique mais j’aurais très bien pu situer l’histoire dans un autre pays.

L’arrière plan est politique mais, comme c’est une fiction, il fallait inventer des personnages avec des liens, je trouvais intéressant de tisser une histoire avec des individus, je voulais que les personnages aient une vie à eux, travailler leur psychologie. Il y a une histoire d’amour mais aussi une histoire entre le père et le fils.

Nous n’étions pas limité par un nombre déterminé de page, j’avais écris mon scénario comme un film sans penser à le formater en BD, le projet était prévu pour un récit et un nombre limité de pages aurait raboté le rythme du récit. C’est très fluide, il y a des pages de silence, des non-dits, des pauses, ce qui aurait été impossible à faire avec un format standard de 48 pages. L’intérêt de la fiction par rapport à une biographie c’est qu’on peut imposer son rythme, avec des moments de tensions et de relâchement…
 

Il y a beaucoup de crayon, une technique mixte avec l’encre… Je faisais comme des croquis que j’affinais avec des crayons de plus en plus sec et parfois du feutre. Je modèle mes personnages puis je reviens dessus avec du tippex, comme de la peinture blanche, comme un peintre qui rajoute de la lumière sur son dessin. L’histoire aurait très bien passé en noir et blanc, les gris, je ne les ai pas forcés pour qu’il n’assombrisse pas la mise en couleur.

Les scènes que je préfère dessiner sont des scènes intimes, calmes, les scènes militaires me parlent moins, je ne suis pas fan des fusils …

Nous nous sommes connus sur un forum de BD et quand j’ai écris cette histoire, j’ai pensé à lui. En fait le scénario avait déjà été accepté par un éditeur avant que je la lui propose !

Nous avons un autre projet ensemble mais qui en est encore aux prémisses, l’histoire d’une jeune peintre, un personnage féminin. Nous avons d’abord pensé à Frida Calo mais je voulais un personnage moins connu et j’ai découvert l’impressionniste Lucie Couturier. Elle s’est retrouvée embarquée dans la première guerre mondiale, en contact avec des tirailleurs sénégalais et elle va les suivre après la guerre. Elle va faire des récits, des livres de ses voyages…

BIG K, de la réalité à la BD

Imaginez le New York des années 70, ses rues dégueulasses, certains quartiers où il ne faut même pas rêver de mettre un pied une fois la nuit tombée, l’insécurité dans toute sa splendeur, les bandes de blacks, maffieux, les bagnoles sur leurs jantes qui crament, les flics corrompus… C’est l’ambiance que rendent à merveille Nicolas Duchêne et Ptoma Martial avec leur série Big K, du nom d’un tueur, lequel est inspiré d’un personnage réel, un tueur en série allié à la Maffia qui fit plus de 200 victimes : Richard Kuklinski…

Même si c’est aussi Casterman, nous sommes loin du Tueur de Matz et Jacamon, qui lui aborde tout le côté existentiel du personnage principal. Il réfléchit beaucoup, agit de moins en moins…

Big K, lui, agit, un peu trop même, puisqu’il a commis une grosse bourde dans le tome un et va être chargé de la réparer et cela uniquement parce que ses boss ont compris son potentiel destructeur sinon il aurait déjà fait un plongeon dans l’Hudson, avec des godasses en ciment…

Dans ce deuxième opus, Big K va être confronté à son contraire, un fort en gueule qui voudrait lui faire de l’ombre. Et Big K n’aime pas qu’on lui fasse de l’ombre. Ca l’énerve, alors il se laisse aller, même avec sa famille qui est sacrée. Sa femme dit un mot de travers et il lui colle une baffe. Tout cela fait ressurgir son passé difficile. Car c’est depuis sa petite enfance que tout à été mis en place pour qu’il devienne ce qu’il est devenu, un personnage froid et calculateur, qui n’a peur de rien et regarde la mort dans le fond des yeux. Son seul tabou : sa femme et ses enfants. Mais K n’est qu’un petit rouage dans la grosse machine à fric qu’est la mafia, alors il obéit quand on lui donne un ordre, même si c’est contre son goût. Le voilà qui doit balayer un grain de poussière qui grippe la belle machine malhonnête, le frère d’un comptable qui le perturbe et qui finit par pomper dans la caisse. Mais voilà que… N’allons pas trop loin, ménageons le suspens. Pour leur deuxième opus de la trilogie, Duchêne et Ptoma voguent du côté du Parrain II, le film de Coppola qui revient sur le passé des mafieux pour expliquer le comment du pourquoi et apporter une profondeur, un background au personnage. Certes pas pour excuser son comportement, puisqu’il s’agit ici bel et bien d’un assassin, d’un homme plus proche de l’animal que la plupart d’entre nous mais comme il n’est pas pareil à nous, c’est un objet de curiosité, il exerce sa fascination…

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